Morissette, Rancourt, Baudouin
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande en irrecevabilité pour désistement présumé et en rejet pour abus de procédure. Accueilli.
Les appelantes sont les assureurs de 3 entreprises («Cascades», «Abitibi-Price» et «Alcan») ayant subi d’importants dommages en 1996 lors des inondations du «déluge du Saguenay». Après avoir indemnisé leurs assurées, elles ont intenté un recours subrogatoire contre les intimés entre 1997 et 1999.
La Cour supérieure a accueilli le moyen de non-recevabilité des intimés en vertu de l’article 177 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) (C.P.C.) en constatant le désistement présumé des appelantes des actions entreprises. Les dossiers judiciaires ont effectivement été inactifs entre 1999 et 2015 pour Cascades, entre 1999 et 2019 pour Abitibi-Price et entre 2001 et 2018 pour Alcan. En se basant sur l’arrêt Jean c. Agence du revenu du Québec (C.A., 2019-03-15), 2019 QCCA 458, SOQUIJ AZ-51578546, 2019EXP-869, le juge de première instance a analysé les principes de droit transitoire concernant l’article 177 C.P.C. Le juge a aussi fait droit subsidiairement à la demande de rejet des recours d’Abitibi-Price et de Cascades au motif d’abus de procédure selon l’article 51 C.P.C.
Les intimés demandent le rejet de l’appel, invoquant l’absence de chance raisonnable de succès de celui-ci et la nécessité d’une permission d’appel pour les dossiers Abitibi-Price et Cascades en vertu de l’article 30 paragraphe 3 C.P.C.
En ce qui concerne la présomption de désistement, les articles 110 et 265 à 269 C.P.C. (ancien) (RLRQ, c. C-25) régissaient les règles de péremption d’instance au moment où les appelantes ont intenté leurs actions, en 1997 et en 1999. Lors de l’abrogation de ces articles, en 2003, l’article 179 de la Loi portant réforme du Code de procédure civile (L.Q. 2002, c. 7) prévoyait une disposition transitoire stipulant que: «Les demandes introduites avant le 1er janvier 2003 sont régies par la loi ancienne, sauf aux parties à convenir de procéder suivant les règles nouvelles.» En l'espèce, les parties n’ont jamais convenu de procéder selon les règles nouvelles. Or, dans l’arrêt Jean, les procédures avaient été entreprises en 2015 et n'étaient pas visées par l’article 179 de la loi. Le juge de première instance s’est donc erronément estimé lié par cette décision pour donner raison aux intimés sur ce point.
En ce qui a trait à la conclusion d’abus de procédure selon l’article 51 C.P.C., il y a lieu d’accorder la permission d’appel. En effet, puisque les appelantes n’étaient pas tenues de se conformer au délai de 6 mois prévu à l’article 173 C.P.C. pour procéder à l’inscription, cette conclusion doit être réexaminée. La durée d’inactivité d’un dossier judiciaire constitue habituellement un élément suffisant pour établir une apparence d’abus de procédure selon les articles 52 et 53 alinéa 2 C.P.C., mais il est insuffisant à lui seul pour rejeter une demande en vertu de l’article 53 alinéa 1 C.P.C. En l’espèce, les dossiers sont d’une grande ampleur, présentent des enjeux importants et sont issus d’un contexte d’exception. Le rejet préliminaire des dossiers Abitibi-Price et Cascades n'était pas un redressement approprié.
Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca