Vauclair, Marcotte, Moore
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision interlocutoire du Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec qui avait rejeté une demande en irrecevabilité visant une plainte privée. Accueilli.
Les services de la psychologue appelante, à titre d’experte, ont été retenus à titre d’expert par le syndic ad hoc de l’Ordre qui enquêtait sur une plainte à l’égard de la psychologue mise en cause. Le Conseil a rejeté la plainte, non sans souligner ce qu’il estimait être certains manquements professionnels de la part de l’appelante concernant sa compétence, son objectivité et son impartialité en sa qualité d’expert. La mise en cause a ensuite déposé une plainte privée contre l’appelante, qui a invoqué, sans succès, l’immunité prévue à l’article 116 alinéa 4 du Code des professions (RLRQ, c. C-26) (C.prof.) comme moyen de non-recevabilité. La juge de première instance a conclu au caractère raisonnable de la décision du Conseil.
L’interprétation proposée par le Conseil à l’égard de l’article 116 alinéa 4 C.prof. est déraisonnable. Elle est contraire aux principes d’interprétation législative applicables et, plus particulièrement, au contexte global de la loi, au sens ordinaire et grammatical de l’ensemble des dispositions pertinentes du code, lesquelles doivent être lues en harmonie avec l’économie et l’objet de la loi, de même que l’intention du législateur.
Ainsi, la conclusion du Conseil voulant qu’un expert mandaté par un syndic dans le cadre de son enquête n’exerce pas une fonction prévue au code, sauf s’il est expressément investi d’un pouvoir d’enquête aux termes de son mandat, fait fi des fonctions d’enquête du syndic et d’assistance de l’expert prévues dans cette loi. Un syndic qui requiert l’assistance d’un expert en vue de valider son enquête le fait nécessairement en vertu de l’article 121.2 C.prof. Dès lors, l’expert partage, entre autres choses, les mêmes pouvoirs à l’égard des dossiers professionnels prévus à l’article 192 C.prof. Il doit donc pouvoir jouir de la même immunité que le syndic.
Le Conseil a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’appelante n’exerçait pas de pouvoirs d’enquête parce que le syndic ad hoc lui aurait refusé l’accès à des documents, l’empêchant ainsi de mener l’enquête comme elle l’aurait souhaité. D’une part, il s’agissait de déterminer si l’appelante assistait le syndic dans ses fonctions d’enquête. D’autre part, l’accès limité aux documents ne permet pas pour autant de conclure à une absence d’assistance. Au surplus, rien n’oblige la personne qui assiste le syndic à recourir au dossier tenu par un professionnel.
Quant à la décision de la Cour supérieure, la juge a commis une erreur révisable en déterminant que la décision du Conseil et l’interprétation qu’il proposait de l’article 116 alinéa 4 C.prof. étaient raisonnables. Elle a d’ailleurs fait une lecture erronée de la décision dans Agronomes (Ordre professionnel des) c. Bernier (T.P., 2010-12-09), 2010 QCTP 140, SOQUIJ AZ-50703244, 2011EXP-497, et, contrairement à ce qu’elle en a retenu, il n’y a pas lieu de faire preuve de prudence et de restreindre la portée de l’immunité prévue à la loi aux seules situations discutées lors de l’étude du projet de loi.
Législation interprétée: article 116 alinéa 4 C.prof.
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca