500-09-028576-197
Bouchard, Bélanger, Baudouin
Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire à l'encontre d'un jugement du Tribunal des professions qui avait infirmé une décision du Conseil de discipline du Barreau du Québec. Rejeté.
L'appelant, un avocat qui a plaidé coupable à des infractions criminelles de nature sexuelle commises à l’endroit d’une enfant mineure, a fait l'objet d'une plainte discipline fondée sur l'article 149.1 du Code des professions (RLRQ, c. C-26) (C.prof.). Le Conseil de discipline du Barreau du Québec a conclu que ces infractions n'avaient pas de lien avec l'exercice de sa profession. Le Tribunal des professions a jugé que celui-ci avait erré en examinant la question uniquement en rapport avec les caractéristiques particulières de la pratique -- en droit des affaires -- de l'appelant. Il a déterminé que, pour établir l'existence ou l'inexistence du lien, il faut tenir compte plus généralement des «qualités essentielles à l'exercice de la profession d'avocat, indépendamment de la pratique spécifique du professionnel» et que ce dernier point ne devait être pris en considération qu'au stade de la détermination de la sanction. Il a conclu qu'il existait un lien entre les infractions pour lesquelles l'appelant avait plaidé coupable et les qualités essentielles à l'exercice de la profession d'avocat, dont celles d'auxiliaire de la justice et de défenseur et agent de promotion des droits et libertés de la personne. Appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour supérieure a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire de l'appelant après avoir conclu que l'interprétation donnée par le Tribunal des professions à l'article 149.1 C.prof. était compatible avec l'objectif général de la loi, qui est de protéger le public, de même qu'avec sa jurisprudence antérieure.
Il n'y a pas lieu de faire droit à l'appel. Le législateur a doté le Tribunal des professions du «pouvoir d'intervention le plus vaste qui soit», à savoir celui de confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et de rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu (art. 175 C.prof.). La Cour supérieure n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a écrit que ce dernier avait toute latitude pour modifier le test applicable en vertu de l'article 149.1 C.prof. dans la mesure où celui-ci demeurait dans le cadre de ce qui est raisonnable. Cet énoncé est conforme à l'arrêt rendu dans Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Brevil (C.A., 2019-05-03), 2019 QCCA 796, SOQUIJ AZ-51593804, 2019EXP-1379, 2019EXPT-887. Il ne saurait être question d'empêcher un tribunal administratif spécialisé, à l'égard duquel la déférence est de mise, de changer d'orientation et de modifier un cadre d'analyse dans la mesure où celui-ci se justifie au regard de la norme de la décision raisonnable. En l'espèce, on ne peut affirmer que le Tribunal des professions a fait fi de sa jurisprudence antérieure. Il a au contraire soigneusement revu et discuté les décisions portées à son attention, a apporté les distinctions qui, selon lui, s'imposaient pour finalement élaborer, dans le cadre de l'application de l'article 149.1 C.prof., un test en 2 étapes qui a les attributs de la raisonnabilité. Le point de vue du Tribunal des professions se défend tout autant que celui de l'appelant. La Cour supérieure a eu raison de ne pas intervenir.
Texte intégral de l'arrêt: Http://citoyens.soquij.qc.ca