Sansfaçon, Cournoyer, Baudouin
Appel d’un verdict d’acquittement. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.
L’intimé a été acquitté relativement à 1 chef d’accusation d’agression sexuelle causant des lésions corporelles. Lors du contre-interrogatoire de l’intimé, la juge de première instance aurait commis une erreur en empêchant la poursuite de présenter la preuve d’une déclaration antérieure incompatible qu’il niait avoir faite à une amie le soir des événements: «J'ai arrêté parce qu'elle était trop “paf”» (paragr. 8). La juge aurait également appliqué le mauvais critère quant à la capacité de la plaignante de consentir à la relation sexuelle avec l’intimé.
La déclaration incompatible de l’intimé était recevable afin de tester sa crédibilité et la poursuite pouvait en faire la preuve sans transgresser la règle lui interdisant de scinder sa preuve ou la règle relative aux faits incidents. Cette preuve devenue importante pouvait influer sur le sort du dossier et exige la tenue d’un nouveau procès.
La poursuite souhaitait faire la preuve de la déclaration incompatible de l’intimé afin qu’elle soit prise en considération dans l’évaluation de la crédibilité de ce dernier. Dans ce contexte, la poursuite n’avait pas l’obligation de présenter le témoignage de l’amie de l’intimé en preuve principale. Puisque l’intimé a nié la déclaration, cette preuve devenait pertinente, vu l’affirmation de l’intimé selon laquelle la plaignante avait consenti aux activités sexuelles et était capable de le faire. La démarche proposée par la poursuite pour la mise en contradiction de l’intimé était conforme aux enseignements de l’arrêt M.D. c. R. (C.A., 2022-06-28), 2022 QCCA 915, SOQUIJ AZ-51862788, 2022EXP-1893, au sujet de l’article 11 de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. 1985, c. C-5), et elle avait respecté les exigences de l’arrêt Mandeville c. R. (C.A., 1992-02-24), SOQUIJ AZ-92011640, J.E. 92-808, [1992] R.J.Q. 1185. Le contre-interrogatoire était légitime et approprié. Vu la fin limitée poursuivie en l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider si la poursuite aurait eu l’obligation de présenter cette déclaration en preuve principale pour valoir comme preuve au fond.
L’intimé connaissait le contenu de la déclaration incompatible qu’on lui attribuait en raison de la divulgation de la preuve. La démarche proposée par la poursuite ne causait aucune iniquité envers lui. La décision de la poursuite de ne pas faire entendre l’amie de l’intimé ne représentait pas un changement de stratégie inéquitable. Il est reconnu que la poursuite ne scinde pas sa preuve illégalement lorsqu’elle ne dépose pas la déclaration libre et volontaire d’un accusé aux policiers en preuve principale, mais la conserve pour l’utiliser lors du contre-interrogatoire. Il ne saurait en être autrement dans le cas où une déclaration antérieure incompatible a été faite à une autre personne. L’arrêt Cormier c. R. (C.A., 1993-09-20), SOQUIJ AZ-93011883, J.E. 93-1677, [1993] R.J.Q. 2723, confirme l’admissibilité d’une contre-preuve qui aurait pu être présentée en preuve principale, mais qui acquiert une pertinence plus évidente dans le cadre du procès, comme en l’espèce. Contrairement à l’arrêt R. c. Krause (C.S. Can., 1986-11-06), SOQUIJ AZ-86111080, J.E. 86-1137, [1986] 2 R.C.S. 466, la déclaration antérieure incompatible de l’intimé concernait non pas un fait incident, mais plutôt une question au cœur de l’accusation. La poursuite pouvait contre-interroger l’intimé au sujet de sa déclaration antérieure incompatible et en faire la preuve durant son contre-interrogatoire ou lors d’une contre-preuve. Il n’y avait rien d’inusité ou d’inéquitable dans sa démarche. L’erreur de la juge a eu une incidence importante sur le verdict d’acquittement.
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca