Levesque, Schrager, Hogue
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli l’appel d’un jugement de la Cour du Québec et ayant restreint certaines ordonnances rendues. Accueilli en partie, avec dissidence.
L’adolescente en cause a fait l’objet d’une ordonnance d’hébergement en centre de réadaptation. Lors de ses séjours dans 2 unités, elle s’est vu imposer de multiples mesures d’isolement et de contention. Ces mesures ont amené l’adolescente et ses parents à déposer une demande en lésion de droits en vertu de l’article 91 in fine de la Loi sur la protection de la jeunesse (RLRQ, c. P-34.1).
La Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, a ordonné que les intervenants, éducateurs et agents d’intervention qui travaillent dans les unités de traitement individualisé puissent recevoir une formation particulière en santé mentale (ordonnance no 1), que ces unités puissent bénéficier du soutien d’un professionnel de la santé spécialisé en santé mentale (ordonnance no 2), que le Centre intégré de santé et de services sociaux A (CISSS A) mette en place un protocole dans un délai raisonnable pour déterminer la marche à suivre lorsqu’un enfant crache lors d’une intervention (ordonnance no 3) et qu’il adapte toutes les salles d’isolement afin qu’elles soient plus sécuritaires et que les murs soient recouverts d’un matériel empêchant les blessures (ordonnance no 4). La Cour supérieure a modifié les ordonnances rendues afin qu’elles soient reliées directement à l’adolescente.
La Loi sur la protection de la jeunesse est une loi réparatrice qui, à ce titre, doit recevoir une interprétation large et libérale, mais cela ne suffit pas pour interpréter l’article 91 in fine comme permettant au juge de rendre des ordonnances de portée générale qui imposent à des établissements ou à des organismes publics d’aménager ou de transformer des espaces et d’en supporter les coûts.
Le législateur, dans cette disposition, accorde le pouvoir de rendre des ordonnances destinées à corriger la situation lésionnaire dans laquelle un enfant est placé, mais non pas de s’immiscer dans la gestion des ressources humaines, matérielles et financières des établissements et organismes du réseau. L’ordonnance doit donc être suffisante pour empêcher que la situation lésionnaire dans laquelle se trouve l’enfant ne se poursuive ou ne se répète, mais sans aller au-delà de ce qui est nécessaire et sans s’immiscer dans la gestion des ressources dont disposent les établissements ou les organismes en cause.
Les ordonnances de la Cour du Québec en cause allaient au-delà de la situation de l’adolescent et, en ce sens, avaient une portée trop grande. Cela dit, le juge dissident a raison d’indiquer que les ordonnances nos 3 et 4 auraient dû être dirigées contre la directrice de la protection de la jeunesse (DPJ) et non contre le CISSS A. Les ordonnances rendues seront rectifiées en conséquence.
Le juge Schrager, dissident, aurait rétabli les ordonnances nos 3 et 4, étant d’avis que leur portée générale était tout à fait justifiée. Bien qu’il doive exister un lien entre l’ordonnance prévoyant une mesure correctrice et l’enfant dont les droits ont été lésés, il n’est pas obligatoire que la mesure réparatrice s’applique uniquement à l’enfant victime de la lésion. Par ailleurs, le juge aurait dirigé ces mêmes ordonnances contre la DPJ puisque le CISSS A n’était pas officiellement partie aux procédures.
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca