Cour d'appel du Québec

Personne désignée c. R.

Bich, Vauclair, Healy

Appel de la déclaration de culpabilité. Accueilli; l’arrêt des procédures est ordonné.

L’appelante est devenue indicatrice de police. Postérieurement, elle a été accusée et déclarée coupable de sa participation à l’infraction qui fait l’objet du dossier X, dont elle avait elle-même révélé l’existence aux policiers. Lors du procès, l’appelante prétendait que l’accusation constituait un abus de procédure, ce que le juge de première instance n’a pas accepté. Elle fait valoir en appel que la conclusion de ce dernier est erronée.

Aucune trace de ce procès n’existe. La façon de procéder adoptée en l’espèce était exagérée et contraire aux principes fondamentaux qui régissent notre système de justice. Une procédure aussi secrète est contraire à un droit criminel moderne et respectueux des droits constitutionnels non seulement des accusés, mais également des médias, de même qu’incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale.

Les règles entourant l’indicateur de police relèvent de la common law et rien dans celle-ci n’écarte le devoir de renseignement au moment de passer un accord avec un indicateur. L’arrêt R. c. Personne désignée B (C.S. Can., 2013-02-22), 2013 CSC 9, SOQUIJ AZ-50939271, 2013EXP-665, J.E. 2013-362, [2013] 1 R.C.S. 405, illustre qu’une obligation de renseignement incombe à l’État et que les ambiguïtés peuvent bénéficier à l’indicateur. D’autre part, la renonciation à un droit constitutionnel ne sera valide que si la poursuite démontre qu'elle est éclairée et exprimée en toute connaissance de cause. Or, en s’engageant dans le rôle d'indicateur de police, l’appelante a notamment renoncé à son droit de garder le silence, à son droit à l’assistance d’un avocat, à son droit à un procès public et à son droit à une défense pleine et entière. Les policiers n’ont jamais informé l’appelante de son droit de garder le silence ni ne lui ont suggéré de consulter un avocat.

Dans les circonstances, l’appelante pouvait raisonnablement comprendre de ses contacts avec les policiers qu’elle pouvait dévoiler l’infraction qui fait l’objet du dossier X sans qu’elle soit accusée, car elle devait dire la vérité, que l’enquête ne s’intéressait pas à elle et que rien de ce qu’elle dirait ne pouvait être retenu contre elle. Le comportement des policiers tout au long de leur relation avec l’appelante était compatible avec cette compréhension. Le policier A n’a pas été clair sur la portée temporelle de l’implication criminelle de l’appelante et il n'a donné aucune explication susceptible d’être comprise par un profane à propos de l’absence d’immunité d’un indicateur de police. Cette information était cruciale dans la décision de l’appelante de révéler le dossier X, dont les policiers ne savaient alors rien. Pour sa part, le policier D savait que l’immunité ne peut être accordée que par la poursuite, mais il n’a jamais expliqué cette notion à l’appelante. Une personne raisonnable aurait compris qu’elle ne serait pas poursuivie pour des crimes passés. La conclusion contraire du juge de première instance sur cet aspect est déraisonnable. Elle mène à une injustice et donne l’impression de tolérer une démarche de recrutement d’indicateur de police marquée par la désinvolture. Cela mine l’objectif d’encourager les personnes à offrir des informations à la police et l'intégrité du processus judiciaire. L’État ne pourra profiter des imprécisions de son entente avec l'indicateur pour la retourner ensuite contre lui. Le fait de porter des accusations dans les circonstances est choquant. L'équité du procès était compromise par les limites imposées au droit à une défense pleine et entière. Une telle conduite étatique risque de miner l'intégrité du processus judiciaire.


Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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