Vauclair, Healy, Kalichman
Appel de la peine. Accueilli, avec dissidence; une peine d’emprisonnement de 10 ans est substituée à la peine de 15 ans imposée en première instance.
L’appelant a été condamné à une peine de 15 ans d'emprisonnement sous 1 chef d’accusation de tentative de meurtre à l'endroit de son ex-conjointe, ainsi que d’autres peines concurrentes pour des infractions commises au même moment. Celles-ci ne sont pas remises en cause. La juge de première instance a déduit 1 an d’emprisonnement pour tenir compte des conditions de détention difficiles, laissant une peine effective de 14 ans. L’appelant fait valoir que la peine est manifestement non indiquée et que la juge a commis une erreur de principe en ne tenant pas compte des facteurs atténuants et en accordant trop d'importance aux objectifs de dissuasion et de dénonciation.
La peine est manifestement non indiquée. Il y a lieu de la fixer à 10 ans et de maintenir la déduction accordée par la juge, laissant une peine de 9 ans d’emprisonnement. L’objectif de dénonciation et la réponse du système de justice à l'égard du crime perpétré dans un contexte de violence familiale participent à la confiance du public. La proportionnalité des peines est le facteur essentiel au maintien de cette confiance. La réponse judiciaire façonnée par l’arrêt Roy c. R. (C.A., 2010-01-12), 2010 QCCA 16, SOQUIJ AZ-50596503, 2010EXP-350, J.E. 2010-188, n’est pas inadéquate. Il est douteux que le rôle des tribunaux soit d’éradiquer quelque comportement criminel que ce soit, comme le suggère la juge dans sa décision. Fixer un objectif irréaliste et inatteignable ne peut que miner la confiance du public dans l’administration de la justice. Les tribunaux ne sont qu’un maillon de la chaîne des interventions destinées à protéger la société. Leur rôle, s’il faut l’identifier, est l’infliction de sanctions justes.
En l’espèce, la juge a déterminé la peine en plaçant au premier plan l’éradication du crime et en donnant ainsi à la peine un objectif étranger à sa mission intrinsèque. Elle a insisté de façon indue sur la gravité objective du crime, de sorte qu’elle a puni le crime plutôt que le délinquant. Ce faisant, la juge s’est autorisée à passer outre à la proportionnalité de la peine. Ce constat est exacerbé par les références faites à différents documents administratifs du gouvernement du Québec en matière de violence conjugale. Les parties n’ont pas eu l’occasion de commenter cette documentation, ce qui constitue une entorse au processus contradictoire. En outre, la juge a mal saisi les propos contenus dans l’arrêt R. c. Laurendeau (C.A., 2007-11-13), 2007 QCCA 1593, SOQUIJ AZ-50459407, J.E. 2007-2266. Ceux-ci signifient qu’une peine disproportionnée ne participe pas au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes.
La juge a erré en imposant une peine identique à la catégorie plus grave de crimes de tentative de meurtre, commis en contexte familial, examinés dans l’arrêt Roy. L’écart est important et sans justifications probantes, ce qui entraîne une peine manifestement non indiquée. Elle a commis des erreurs de principe dans son raisonnement ayant mené à la peine. L’examen des peines effectué dans l'arrêt Roy, la présence d’un enfant lors de l’agression et les autres circonstances liées au délinquant et à la perpétration du crime indiquent qu’une peine de 10 ans d’emprisonnement est juste et proportionnelle.
Le juge Kalichman, dissident, aurait rejeté l’appel, notamment parce que la peine n’est pas manifestement non indiquée. En outre, l’appelant n’aurait pas démontré que la juge avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable lors de la pondération des facteurs atténuants et aggravants.
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca