Ruel, Hamilton, Lavallée
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une action en réclamation de dommages-intérêts pour rupture d’un contrat de travail. Accueilli.
Selon la juge de première instance, l’appelant n’a pas été victime d’un congédiement déguisé, mais a donné sa démission de manière libre et éclairée. En effet, en plus de rejeter ses allégations de harcèlement psychologique, elle a estimé que les modifications aux conditions de travail de l’appelant n’étaient pas substantielles et n’avaient pas été adoptées dans le but de l’induire à démissionner.
La juge a commis 3 erreurs révisables. Premièrement, elle a commis une erreur de droit en retenant que, pour démontrer son congédiement déguisé, l’appelant devait faire la preuve que les mesures prises par son employeur « l’avaient été dans l’objectif de le contraindre à démissionner ». Dès lors, elle lui a imposé un fardeau plus exigeant que celui prescrit dans Potter c. Commission des services d'aide juridique du Nouveau-Brunswick (C.S. Can., 2015-03-06), 2015 CSC 10, SOQUIJ AZ-51156126, 2015EXP-830, 2015EXPT-425, J.E. 2015-438, D.T.E. 2015T-173, [2015] 1 R.C.S. 500, qui consiste à déterminer si, « eu égard à toutes les circonstances, une personne raisonnable s’étant trouvée dans la situation du salarié aurait vu dans la conduite de l’employeur la manifestation de son intention de ne plus être lié par le contrat » (paragr. 63). Deuxièmement, la juge s’est fondée sur une analyse partielle de la preuve. En effet, elle a omis de tenir compte de certaines violations du contrat de travail par l’employeur quant à la rémunération et à la réalisation des tâches du plaignant. Or, ces modifications étaient suffisamment graves pour constituer un congédiement déguisé. Troisièmement, l’autre manière de conclure à un congédiement déguisé selon Potter consiste à se pencher sur l’effet cumulatif d’actions ou de décisions de l’employeur sur un employé raisonnable. À cet égard, la juge a essentiellement circonscrit son analyse aux allégations de harcèlement psychologique de l’appelant. Il s’agit d’une erreur de droit, l’absence de harcèlement psychologique ne menant pas nécessairement à la conclusion de l’inexistence d’un congédiement déguisé. En somme, il était erroné de conclure que l’appelant avait démissionné. Il s’agissait d’un congédiement déguisé. La Cour détermine le délai de congé et les sommes dues à l’appelant aux termes de son contrat de travail.
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca