Cour d'appel du Québec

Groupe TVA inc. c. Boulanger

Gagnon, Marcotte, Sansfaçon

Appel d’un jugement rendu en cours d’instance par la Cour supérieure ayant rejeté une demande conjointe de communication de documents. Accueilli.

Les intimés, des policiers de la Sûreté du Québec ayant été prêtés à l’Unité permanente anti-corruption, ont introduit une poursuite en diffamation contre les appelants, alléguant avoir été faussement identifiés par ceux-ci comme étant à l’origine de fuites de documents confidentiels. Ces derniers ont déposé une demande de communication de documents détenus par des tiers. Le juge de première instance devait procéder uniquement sur le critère de la connexité qui se trouve à l’article 251 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) (C.p.c.), les questions relatives à la communication des documents devant être examinées ultérieurement. Le juge a conclu que les documents demandés n’étaient pas pertinents puisque le débat ne portera pas sur la véracité des soupçons ou des insinuations transmises par les médias, mais plutôt sur la manière avec laquelle ceux-ci ont géré les informations obtenues.

Le juge a commis une erreur lorsqu’il a affirmé que «peu importe que l’information soit vraie ou fausse quant à l’implication des intimés dans la divulgation d’informations confidentielles, ce qui [comptait était] le respect par les [appelants] des normes journalistiques» (paragr. 15). En l'espèce, même si la véracité des propos diffamatoires n’est pas le facteur déterminant, il s’agit d’un facteur pertinent pour l’analyse de la faute des appelants, particulièrement au vu des allégations de la demande des intimés, qui reprochent expressément aux appelants la diffusion de faussetés à l’égard de leur conduite dans l’enquête qu’ils ont menée.

Le juge a aussi erré lorsqu’il a indiqué qu’«il y [avait] lieu de s’interroger sur la nécessité pour les médias d’obtenir le dossier de l’enquête policière» (paragr. 18). L’évaluation de la pertinence est fonction de l’utilité du document dont on recherche la communication, plutôt que de sa nécessité. Par ailleurs, le fait que les appelants disposent du témoignage des intimés rendu dans d’autres contextes ne fait pas obstacle à la démonstration de la pertinence des documents qu’ils ont demandés afin de leur permettre de vérifier le fondement des allégations de la demande, alors que la véracité du contenu de leur publications est en cause. Enfin, la faute des appelants devra être analysée en tenant compte de différents éléments, tels que la véracité, la fausseté et l’intérêt public, à la lumière des informations détenues par les policiers entourant l’enquête qui auront été rendues disponibles.

Les autres motifs invoqués par le juge pour rejeter la demande de communication n’avaient pas trait à l’analyse de la connexité comme telle. Il ne pouvait donc pas examiner l’opportunité de la communication, sous peine d’entraîner une violation de l’équité procédurale à l’égard des appelants, qui n’ont pas eu l’occasion de débattre de cette question en toute connaissance de cause. D'autre part, ses observations quant au caractère illégal de la communication aux médias entraient en conflit avec certains principes bien établis en matière de journalisme d’enquête et de protection des sources journalistiques.

Puisque les documents demandés paraissent se rapporter aux allégations contenues dans la demande en diffamation et semblent a priori susceptibles de faire progresser le débat en permettant aux appelants de se défendre, ils satisfont au critère de la connexité se trouvant à l’article 251 C.p.c. en gardant à l’esprit que le concept de la «pertinence» s’apprécie généralement de manière large au cours de la phase exploratoire de l’instance. En conséquence, le dossier doit être renvoyé devant la Cour supérieure afin qu’elle tranche la seconde étape du débat et détermine lesquels de ces documents devront être communiqués.

Législation interprétée: article 251 C.p.c.

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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