500-09-027815-182
Savard, Schrager, Ruel
Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie la demande de l’appelante fondée sur l’article 992 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.). L’appel principal est rejeté et l’appel incident est accueilli.
En 1999, l’auteure des intimés a effectué des travaux de remblayage sur des lots dont elle était propriétaire. Le talus ainsi aménagé excède les limites des lots remblayés et empiète sur le lot contigu, qui est aujourd’hui la propriété de l’appelante. En 2002, s’autorisant de l’article 992 C.C.Q., l’auteur de cette dernière a demandé, par voie d’action, le retrait de cet empiétement.
Avant d’analyser la question de l’empiétement, le juge de première instance a d’abord rejeté l’action à l’endroit des intimés Isabelle, Carbonneau et Desaulniers au motif que ceux-ci bénéficient d’une quittance signée en février 2011 en faveur de leur auteur. Ensuite, il a conclu que l’empiétement, dont l’existence n’est pas contestée par les intimés, n’était pas considérable et ne causait aucun préjudice sérieux à l’appelante, en vertu de l’article 992 alinéa 2 C.C.Q. Selon le juge, ce constat ne mettait pas fin au litige puisque l’appelante était en droit de bénéficier du premier alinéa de cette disposition. Il a donc déclaré qu’elle pouvait demander aux intimés Bibeau et Paquin d’acquérir la parcelle qui empiète sur son lot ou de lui verser une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de celle-ci.
Le juge aurait dû conclure qu’aucun des intimés ne pouvait invoquer la quittance en sa faveur. Quant au fond du litige, le caractère considérable ou non d’un empiétement concerne sa dimension. Toutefois, l’exercice ne peut être simplement mathématique et réalisé dans l’abstrait; il doit tenir compte également de la superficie réelle empiétée, à la lumière de la situation propre de l’immeuble empiété. Or, la question du rehaussement possible du terrain de l’appelante n’était pas pertinente relativement à la qualification de l’empiétement. Un usage projeté ou hypothétique du lot ne change pas le fait que l’empiétement, lors de sa construction, est ou non considérable. D’autre part, le fait que l’empiétement empêcherait «le développement de l’immeuble à son plein potentiel» touche les conséquences de l’empiétement plutôt que sa dimension. Cette question est pertinente quant à l’évaluation du préjudice causé par l’empiétement, mais non pas à son caractère considérable. En l’espèce, la preuve permettait de conclure que l’empiétement n’était pas considérable et ne causait pas de préjudice sérieux à l’appelante. La déférence sur cette question s’impose.
Par contre, une fois ce constat établi et à la lumière des conclusions recherchées par l’appelante ainsi que de l’historique de ce dossier, le juge aurait dû rejeter sa demande. Celui-ci ne pouvait prononcer la conclusion déclaratoire qui accordait à cette dernière le droit de réclamer le bénéfice offert par l’article 992 alinéa 1 C.C.Q., 16 ans après le dépôt des procédures et sans qu’elle en ait fait la demande.
Texte intégral de l'arrêt: Http://citoyens.soquij.qc.ca