Cour d'appel du Québec

Agence du revenu du Québec c. FTI Consulting Canada Inc.

Mainville, Lavallée, Kalichman

Appel d’un jugement de la Cour supérieure. Rejeté.

Les appelantes, dont l’Agence du revenu du Québec (ARQ), interjettent appel d’un jugement la Cour supérieure ayant accueilli une demande d’instructions et ayant déclaré qu’elles ne pouvaient compenser une dette qu’elles ont envers la société débitrice au moyen d’une dette que cette dernière a envers elles.

Le 27 janvier 2015, une ordonnance initiale a placé Cliffs Québec Iron Mining ULC (CQIM) sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (L.R.C. 1985, c. C-36) et a nommé FTI Consulting Canada Inc. à titre de contrôleur.

CQIM avait alors une dette fiscale de 13 391 896 $. Entre janvier 2015 et février 2016, invoquant l’article 32 (1) de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, elle a annulé des ententes avec 4 de ses fournisseurs. Ces derniers l’ont par la suite poursuivie en dommages-intérêts.

Le 29 juin 2018, un plan d’arrangement a été approuvé par la Cour supérieure.

En août 2018, le contrôleur a commencé à verser des paiements de distribution provisoire aux créanciers non garantis de CQIM. Les fournisseurs ont alors reçu un paiement partiel en lien avec leurs demandes en dommages-intérêts.

Les paiements effectués aux fournisseurs dans le cadre de cette distribution provisoire ont permis à CQIM de réclamer à l’ARQ des remboursements d’impôt sur le revenu et des crédits de taxe sur les intrants (CTI) totalisant 7 459 258 $ (CTI liés au paiement des dommages-intérêts). De plus, CQIM a réclamé des remboursements de taxes et des CTI relativement à des paiements versés aux fournisseurs qui totalisaient 422 940 $, dont 234 755 $ étaient liés à des services rendus après l’ordonnance initiale.

L’ARQ n’a pas contesté le montant des CTI liés au paiement des dommages-intérêts, mais elle a soutenu qu’elle était en droit d’opérer compensation entre cette réclamation et la sienne. Elle pourrait ainsi récupérer 7 459 258 $ de sa réclamation, la réduisant de 13 391 896 $ à 5 932 638 $.

En désaccord avec cette position, le contrôleur a présenté une demande d’instructions visant notamment à déclarer que les CTI liés au paiement des dommages-intérêts ne pouvaient être compensés par la réclamation de l’ARQ.

Le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il ne pouvait y avoir de compensation entre la créance de l’ARQ et les CTI liés au paiement des dommages-intérêts réclamés par CQIM. L’article 182 de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, c. E-15) et l’article 318 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (RLRQ, c. T-0.1), qui permettent à CQIM de réclamer ces CTI, ne sont pas ambigus. Lorsqu’une somme est payée en raison de la résiliation d’une convention relative à une fourniture taxable, la personne est réputée avoir payé la fourniture, tandis que l’inscrit est réputé avoir perçu la taxe au moment de ce paiement, qui, en l’espèce, a eu lieu après l’ordonnance initiale.

C’est aussi à bon droit que le juge a rejeté l’argument de l’ARQ selon lequel ces dispositions fiscales, lues dans le contexte de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, produisent un résultat différent. Ces articles peuvent être lus séparément sans mener à un résultat absurde ou contradictoire. De plus, même s’ils devaient être interprétés comme faisant partie d’un régime législatif unique, le juge ne les a pas mis en contradiction. Les réclamations de restructuration sont postérieures à l’ordonnance initiale et sont réputées être des réclamations prouvables en vertu de l’article 32 (7) de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, et non en vertu de l’article 19 (1) b) de cette loi comme le prétend l’ARQ. Elles ne revêtent pas toutes les caractéristiques d’une réclamation prouvable du seul fait qu’elles sont traitées comme telles dans un but déterminé.

Enfin, le juge n’a pas non plus erré en omettant d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 11 de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pour permettre la compensation entre des réclamations « pré » et « post » ordonnance initiale. Ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé dans des « circonstances exceptionnelles seulement, considérant le fort potentiel perturbateur de cette forme de compensation » (Montréal (Ville) c. Restructuration Deloitte Inc. (C.S. Can., 2021-12-10), 2021 CSC 53, SOQUIJ AZ-51815258, 2021EXP-3009, paragr. 20). Puisque l’ARQ n’a pas réussi à établir que le critère de l’opportunité de l’ordonnance recherchée était rempli, il n’est pas nécessaire de tenir compte de la bonne foi ou de la diligence raisonnable.

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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