Cour d'appel du Québec

A c. Procureur général du Québec

200-09-010160-205

Pelletier, Cotnam, Moore

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal administratif du Québec (TAQ). Accueilli.

Le 29 janvier 2017, l’appelant se trouvait à la grande mosquée de Québec lorsqu'un tireur a fait feu. Il a déposé une demande d'indemnisation à la direction de l'indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). L’IVAC a refusé de lui verser une indemnité pour incapacité totale temporaire (ITT) au motif que, sans emploi, il était en mesure de poursuivre la majorité de ses activités de la vie quotidienne (AVQ) ainsi que de ses activités de la vie domestique (AVD). Le TAQ a confirmé cette décision. La Cour supérieure a rejeté la demande en contrôle judiciaire de l’appelant.

La Cour supérieure était bien fondée à appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable. Afin d‘évaluer l’admissibilité aux indemnités pour ITT des victimes d’actes criminels qui ne travaillent pas au moment des événements, l’IVAC a retenu un critère adapté aux circonstances, soit celui de la capacité d’exécuter la majorité des AVQ et des AVD. L’argument de l’appelant selon lequel le TAQ aurait dû retenir le critère de la Loi sur les accidents du travail (RLRQ, c. A-3), soit celui de l’inaptitude à travailler, ne peut être retenu.

L’appelant soutient que le TAQ a fait une appréciation déraisonnable de la preuve en concluant que la démonstration de l’incapacité à vaquer à la majorité de ses AVQ et AVD n’avait pas été faite. En matière d’appréciation de la preuve, le juge réviseur doit s’abstenir de reprendre l’exercice et de substituer sa décision à celle du décideur administratif. Le seuil de déférence est non seulement élevé, mais il atteint le plus haut niveau possible. Néanmoins, il existe des cas exceptionnels où le juge réviseur se doit d’intervenir. C’est le cas en l’espèce.

L’inaptitude à accomplir la majorité des AVQ et AVD peut découler d’un état psychologique. Or, les rapports médicaux établissent l’existence d’un stress post-traumatique et d’un état dépressif majeur qui rendait l’appelant non seulement inapte au travail, mais aussi incapable de poursuivre sa recherche d’emploi ou de suivre quelque formation que ce soit. Cette preuve médicale, non contredite, suffit à elle seule pour établir l’incapacité de l’appelant à accomplir une part certaine de ses AVQ et AVD. De plus, l’appelant a témoigné qu’il n’arrivait plus à dormir, qu’il avait peur, que, voyant partout l’insécurité, il ne pouvait plus conduire ni même sortir de chez lui. C’est une autre personne qui s’occupait de certaines tâches dont il s’acquittait auparavant. Cette preuve n’est pas contestée. La preuve au dossier ne peut donc amener une autre conclusion que celle de l’incapacité de l’appelant à vaquer à la majorité, voire à l’essentiel, de ses AVQ et AVD.

Il n’est pas nécessaire de renvoyer le dossier au TAQ afin de fixer la période d’ITT. Il est préférable pour les tribunaux judiciaires de rendre la décision qui aurait dû être rendue lorsque le résultat est inévitable. De plus, en l’espèce, le réel enjeu financier est limité. Les principes de la proportionnalité et de la juste utilisation des ressources judiciaires incitent donc à mettre fin au dossier. La nature de l’indemnité milite aussi en ce sens puisque l’ITT vise à compenser les pertes subies immédiatement après l’événement préjudiciable, le temps de pallier l’urgence. Or, dans le présent cas, l’appelant attend depuis plusieurs années cette indemnisation. Enfin, dans un système où l’une des fins essentielles est la célérité, il est plus que temps de mettre fin aux délais.

La période d’incapacité est donc fixée à partir de la date de l’événement jusqu’au 11 septembre 2017, soit la date du retour au travail de l’appelant.

Texte intégral de l'arrêt: Http://citoyens.soquij.qc.ca

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