Cour d'appel du Québec

Yan c. R.

Dutil, Cotnam, Weitzman

 

Appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté.

L’appelant se pourvoit à l'encontre d’un jugement l’ayant déclaré coupable de possession de matériel de pornographie juvénile, pour avoir possédé une poupée en silicone ayant les traits d’une enfant et étant dotée de 3 orifices au niveau de la bouche, du vagin et de l’anus. La juge de première instance a rejeté sa requête en exclusion de la preuve. Ensuite, elle a conclu que la caractéristique dominante de la poupée était la représentation des organes sexuels et de la région anale d’une enfant dans un but sexuel (art. 163.1 (1) a) (ii) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.)). Ainsi, la poupée répondait à la définition de «pornographie juvénile». La juge a également rejeté la défense de but légitime lié aux arts invoquée par l’appelant, qui soutenait qu’il comptait utiliser la poupée comme mannequin pour créer un blogue de photographies mettant en valeur des vêtements historiques.

La juge n’a pas erré en rejetant la requête en exclusion de la preuve. La dénonciation, même si elle ne comprenait pas une copie de la photographie de la poupée et n’indiquait pas la grandeur de celle-ci, contenait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables permettant qu’un mandat de perquisition soit lancé.

La présente affaire est particulière et connaît peu de précédents jurisprudentiels, la très grande majorité des accusations reliées à de la pornographie juvénile concernant des représentations graphiques comme des photographies, des vidéos, ou encore des écrits. En l’espèce, il s’agit d’un objet qui, à première vue, n’a pas comme caractéristique dominante la représentation, dans un but sexuel, d’organes sexuels ou de la région anale d’une enfant. À la différence d’une photographie ou d’un film, les organes sexuels ne sont pas mis en évidence. Toutefois, il faut considérer l’aspect fonctionnel de ceux-ci ou de la région anale de cette poupée. Cette dernière est constituée pour reproduire le corps d’une enfant et permettre à son utilisateur de se procurer une satisfaction sexuelle. La juge n’a donc pas erré en déterminant que la caractéristique dominante de la poupée était une représentation d’organes sexuels et de la région anale d’une enfant dans un but sexuel.

Quant à la défense de but légitime lié aux arts, prévue à l’article 163.1 (6) a) C.Cr., il ne fait pas de doute que la photographie peut répondre à la définition de «valeur artistique». Par ailleurs, même si, en l'espèce, l’œuvre n’est pas la poupée, laquelle ne devait servir que comme accessoire à sa réalisation, cette défense pouvait tout de même être invoquée. L’interprétation large qu’il faut donner à cette défense permet de considérer un projet d’art qui sera réalisé - mais ne l’est pas encore - à l’aide d’un objet qui constitue du matériel de pornographie juvénile. Lorsque la vraisemblance de ce moyen de défense est établie, ce qui est le cas dans le présent dossier, il revient à la poursuite de le réfuter hors de tout doute raisonnable.

Il est vrai que la juge a commis plusieurs erreurs dans l’évaluation de la crédibilité de l’appelant. Tout d'abord, elle ne pouvait pas spéculer sur ses intentions quant à l’utilisation de la poupée à des fins sexuelles. Toutefois, cette erreur, et l’absence de sperme sur la poupée, n’ont pas d'effet sur la conclusion de la juge puisque l’intimé devait seulement établir la possession sans but légitime. Ensuite, la juge ne pouvait déterminer ce qui était ou non nécessaire à la création d’une œuvre photographique en commentant le choix du mannequin. Cependant, cette erreur n’est pas déterminante, car elle s’est appuyée sur plusieurs autres éléments de preuve pour conclure qu’elle ne croyait pas l’appelant. La juge n’a donc pas erré en rejetant ce moyen de défense.

 

Législation interprétée: 163.1 (6) a) C.Cr.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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