Mainville, Sansfaçon, Baudouin
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté 2 pourvois en contrôle judiciaire. Accueilli.
En 2010, l’appelante a entrepris des démarches en vue de l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) qu’elle exploite pour mettre en activité les phases 3A et 3B. À la suite de l’adoption d’un schéma d’aménagement et de développement révisé (SAR) par la Municipalité régionale de comté de Drummond (MRC), la ville intimée a adopté des règlements de concordance. Ces règlements ont notamment créé une zone -- qui comprenait les terrains de l’éventuelle phase 3B -- où les activités de LET étaient prohibées.
En première instance, l’appelante cherchait à obtenir l’annulation des règlements de concordance, l’annulation des résolutions de la MRC et des certificats qui attestent la conformité de ces règlements au SADR ainsi que l’adoption d’une réglementation conforme au SADR et au Plan de gestion des matières résiduelles.
Afin de conclure à l’absence de compétence de la Cour supérieure pour revoir la conformité d’un règlement en matière de concordance, le juge s'est appuyé sur Pires c. Charlesbourg (Corp. municipale de), (C.A., 1988-04-27), SOQUIJ AZ-88011588, J.E. 88-708, [1988] R.J.Q. 1252, [1988] R.D.I. 329. Or, contrairement à la situation dans cette affaire, l’appelante ne dispose d’aucun recours à l’encontre des règlements et du certificat de conformité. On ne peut donc lui reprocher de ne pas avoir présenté une demande d’avis contraignant à la Commission municipale du Québec puisque la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (RLRQ, c. A-19.1) n'accorde ce droit à la Ville que lorsqu’elle souhaite contester la résolution de la MRC qui refuse d’attester la conformité de ses règlements au SAR ou qu'elle omet de se prononcer dans le délai prévu pour le faire. L’article 137.15 de la loi, qui prévoit que, une fois que le certificat de conformité est délivré par la MRC, le règlement, qui est «réputé conforme aux objectifs du schéma et aux dispositions du document complémentaire», doit alors être compris comme étant révélateur de l’intention du législateur d’assurer la stabilité aussi bien du règlement que des permis et autorisations délivrés en vertu de celui-ci. Toutefois, ceux-ci pourront être annulés si la décision a été prise dans un but manifestement détourné, de mauvaise foi ou pour tout autre motif illégal; en d'autres mots, si la décision viole les principes fondamentaux du droit.
En l'espèce, le SAR ne permettait pas que l’on divise l’aire de l’affectation «Gestion des matières résiduelles» de manière à ne permettre la fonction dominante «Lieu d'enfouissement technique (LET) de Drummondville: Les équipements, infrastructures et activités d'enfouissement et d'élimination des déchets ultimes», que sur 40 % de son aire et à ne permettre sur 60 % de cette aire que des fonctions qui n’y sont aucunement complémentaires -- soit l’agriculture et la foresterie --, et, surtout, qui ont pour effet premier de compromettre et de rendre caduc l'un des objectifs majeurs du SAR voulant que les équipements, infrastructures et activités d'enfouissement et d'élimination des déchets ultimes soient autorisés par la réglementation locale sur l’ensemble de l’aire. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que le SAR non seulement détermine comme objectif la présence d’un LET dans toute cette aire, mais il prohibe en outre cet usage partout ailleurs, y compris sur les territoires de toutes les autres municipalités de la MRC.
Ainsi, bien que le SAR accorde une grande latitude aux municipalités dans l’élaboration des moyens permettant d’atteindre les objectifs d’aménagement qu’elles énoncent, dans le présent cas, la Ville a adopté un règlement qui contrecarre l'un de ces objectifs fondamentaux. Le règlement de concordance, puisqu’il compromet et rend caduc le SAR, n'est pas conforme à celui-ci. Une autre non-conformité découle du fait que la Ville a donné au SAR un sens détourné dans le seul but d’atteindre son objectif premier qui était de prohiber entièrement tout usage de LET dans l’affectation en question, à l’exception des espaces où l’activité avait déjà été autorisée par le gouvernement, de façon à empêcher tout agrandissement futur. L’illégalité des manœuvres de de la Ville entraîne l’annulation des résolutions de la MRC et de ses certificats de conformité.
Législation interprétée: article 137.15 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme
Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca