Cour d'appel du Québec

Ville de Saint-Bruno-de-Montarville c. Sommet Prestige Canada inc.

Schrager, Cotnam, Hardy

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli un recours en nullité de règlements municipaux et en réclamation d'une indemnité pour expropriation déguisée. Accueilli; le jugement est infirmé en partie et le dossier est retourné au juge de première instance.

Les intimées ont fait avaliser un projet de lotissement résidentiel sur un terrain boisé situé sur le territoire de la ville appelante. L’élection d’un nouveau conseil municipal a toutefois mené à l’adoption d’une série de modifications à la réglementation municipale qui, selon les intimées, rendaient impossible tout lotissement résidentiel du terrain. Estimant que l’effet de la réglementation devait être assimilé à une expropriation au sens de l’article 952 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.), les intimées ont réclamé une indemnité pour expropriation déguisée. Le juge de première instance leur a donné raison. L’appel soulève des questions quant à l’interprétation de l’article 113 paragraphe 16 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ, c. A-19.1).

Après la formation de l’appel, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives (L.Q. 2023, c. 33). Cette loi introduit les nouveaux articles 245 à 245.6 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, lesquels ont pour vocation d’encadrer l’obligation d’une municipalité d’indemniser un propriétaire lorsque des mesures adoptées en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ont un effet expropriant. Ces dispositions sont entrées en vigueur et, avant d’entreprendre l’étude des moyens d’appel, il est nécessaire de s’attarder à l’effet des modifications législatives sur l’issue de l’appel.

Le législateur a prévu à l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme les circonstances où l’accomplissement d’un acte prévu à cette loi emporte une obligation d’indemniser suivant l’article 952 C.C.Q. Ce faisant, il a redéfini le cadre d’analyse permettant de déterminer si un immeuble est «susceptible d’une utilisation raisonnable» et a écarté au passage l’interprétation des principes applicables que retenait la jurisprudence sur laquelle s’est appuyé le juge. Le législateur a d’ailleurs précisé que l’article 245 de la loi était déclaratoire, manifestant ainsi clairement sa volonté de lui accorder une portée rétroactive afin que le nouveau régime édicté soit d’application immédiate.

L’adoption de l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est un événement qui, pour toutes les parties en cause, vient changer radicalement la donne en appel. La conclusion du juge voulant que les mesures réglementaires adoptées par la Ville n'aient laissé subsister «aucune utilisation raisonnable» des terrains des intimées, fondée sur le droit antérieur, ne pouvait tenir compte du nouveau cadre d’analyse applicable. Or, l’interprétation à donner à l’article 245 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme pourrait sceller le sort du litige. Aussi, bien que la notion de «valeur économique importante» soit au coeur du nouveau cadre juridique, cette expression n’est pas définie par la loi. L’intérêt de la justice et les circonstances exceptionnelles découlant de l’adoption de l’article 245 de la loi exigent que le dossier soit retourné en première instance afin de permettre au juge de réévaluer le dossier à la lumière des paramètres fixés par cette nouvelle disposition.

Législation interprétée: article 245 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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