Cour d'appel du Québec

Ville de Drummondville c. Soucy Belgen inc.

Savard, Beaupré, Moore

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire. Accueilli.

Le juge de première instance a déclaré qu’un acte prévoyant qu’un propriétaire d’un lot et ses ayants cause «s’engagent» à réserver celui-ci à des fins exclusives d’industrie légère ou commerciale et à renoncer à tout recours découlant des activités industrielles du propriétaire d’un lot voisin constituait une servitude réelle et non une obligation personnelle.

Le juge a commis une erreur manifeste et déterminante en se reposant presque exclusivement sur la qualification de droit donnée par les parties à l’acte, sans se demander si le contenu de celui-ci correspondait véritablement à une servitude réelle. Il se devait d’examiner la portée des droits et obligations créés par l’acte pour déterminer si ceux-ci sont de la nature d’une servitude. Cette erreur justifie que la Cour procède à cette analyse.

Des restrictions à l’usage d’un immeuble, comme celles prévues par 2 clauses de l’acte litigieux, peuvent constituer une servitude réelle. Toutefois, la distinction entre une servitude de limitation d’usage et une obligation personnelle interpelle la condition liée à l’avantage conféré, lequel doit véritablement viser le fonds et non l’activité, commerciale ou industrielle, exercée sur celui-ci. En l’espèce, les clauses de limitation d’usage ne portent pas sur un aménagement matériel des lieux ni ne visent autrement le fonds d’autrui. Elles ne concernent que le type d’activité pouvant y être exercée et ne peuvent être constitutives d’une servitude, réelle ou personnelle. Elles constituent plutôt des obligations personnelles qui ne peuvent donc engager les acquéreurs subséquents, à défaut de leur consentement.

Il en va de même de la clause par laquelle le propriétaire des «fonds servants», ses représentants, ses héritiers, ses ayants cause ou acquéreurs subséquents s’engagent à n’exercer aucun recours contre la partie de seconde part à la suite des activités industrielles de celle-ci. Le seul objet de la servitude consisterait en la renonciation à tout recours visant à compenser le préjudice lié à l’exploitation industrielle des intimées. Qu’il s’agisse du recours sur le fondement de la faute en vertu de l’article 1457 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) ou sur celui des troubles de voisinage suivant l’article 976 C.C.Q., il s’agit d’une renonciation du propriétaire ou de celui qui a l’usage du fonds à exercer un droit personnel. La charge ne repose donc aucunement sur le fonds servant. En l'espèce, l’idée n’est pas d’assurer la quiétude des fonds avoisinants, mais d’assurer la tranquillité économique de celui qui exploite une activité industrielle en évitant toute responsabilité civile à l’égard de ses voisins. Dès lors que cette activité cesse, cette clause n’a plus d’objet, ce qui met à mal la condition de perpétuité propre à la servitude réelle. Cela démontre surtout que l’avantage ne vise pas véritablement le fonds lui-même, mais plutôt la seule activité qui y est exercée.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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