Cour d'appel du Québec

Troll Gestionnaire inc. c. Landry

Bich, Healy, Moore

 

Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en réclamation de dommages-intérêts. Rejetés.

En 2012, l’appelante, dont l’unique actionnaire était pharmacien, a acheté un immeuble avec l’intention d’y ouvrir, dès janvier 2014, une pharmacie après avoir résilié unilatéralement les baux commerciaux des locataires qui occupaient les lieux. L'une des locataires a refusé de quitter son local et la Cour supérieure, en 2013, lui a donné raison, compte tenu de la clause subrogatoire rédigée par le notaire intimé dans l’acte de vente de l’immeuble. L’appelante a donc ouvert une pharmacie dans un local plus petit. En novembre 2016, la locataire a résilié son bail et l’appelante, dont la moitié des actions avaient été cédées en juin 2016 à un autre pharmacien, a ouvert en avril 2017 une nouvelle pharmacie dans le local ainsi libéré. En août 2018, l’appelante a vendu l’ensemble de ses actions et l’immeuble à ce pharmacien. En mai 2022, la Cour supérieure, se prononçant sur le recours intenté par l’appelante contre le notaire intimé, qui a reconnu sa faute relativement à la clause subrogatoire, a accordé une indemnité de 309 732 $, dont 134 160 $ pour la perte de profits découlant de l’installation tardive de la pharmacie dans le local qui lui était initialement destiné.

Les appels ne visent que la question de la perte de profits futurs, l’appelante reprochant au juge d’avoir tenu compte de la vente de ses actions, soit des faits postérieurs à la cristallisation du préjudice. Pour sa part, l’intimé soutient que le juge a erré en refusant de déduire les frais de financement que l'appelante aurait supportés si elle avait ouvert sa pharmacie dans le local initialement prévu, et ce, dès le 1er janvier 2014.

La jurisprudence relative à la perte de profits futurs tend à tenir compte des événements postérieurs à la date du préjudice qui, parfois, transforment en certitudes les projections sur lesquelles se fonde la réclamation de dommages-intérêts, mais qui, d'autres fois, les démontent, permettant dans l’un et l’autre cas une évaluation plus juste du préjudice véritablement subi.

En l'espèce, l’évaluation de la perte des profits futurs de l’appelante s'est faite sur la base d’extrapolations. La preuve administrée lors du procès, qui a eu lieu en 2021, permettait d’évaluer plus justement la perte de profits qu'elle avait véritablement subie. C’est cette réalité qui doit l’emporter.

L’article 1611 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) permet de réclamer une indemnité destinée à compenser le préjudice futur, s’il est certain, mais cela ne signifie que ce préjudice doit ou peut être évalué immédiatement. Lorsqu’il s’agit d’un préjudice relevant de la perte de profits futurs, la somme réclamée au moment où l’action est intentée n’est qu’une approximation, qui sera modifiée à la faveur des faits qui se produiront par la suite.

En vendant ses actions à un tiers pour des raisons étrangères à la faute de l’intimé, l’appelante s’est privée de profits futurs, pour lesquels elle ne peut réclamer une compensation. Le juge n’a donc pas commis d’erreur en réduisant de moitié la perte de profits de juin 2016 à août 2018 et en refusant toute indemnité à l’appelante pour la période postérieure à août 2018. D'autre part, il n'a pas commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que l’appelante, à l’époque pertinente, aurait pu supporter elle-même les coûts d’aménagement et d’installation de la pharmacie dans le local qui lui était initialement destiné.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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