Cour d'appel du Québec

Tassoni c. Ville de Laval

Vauclair, Hamilton, Kalichman

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire. Accueilli en partie.

Les appelants Tassoni et De Cotis sont conseillers municipaux de la ville intimée. En 2020, ils ont appris qu’ils faisaient l’objet d’une enquête de la Commission municipale du Québec (CMQ) pour avoir participé à l’adoption de résolutions alors qu’ils auraient été en conflit d’intérêts. Tassoni a mandaté des avocats pour la conseiller et la représenter et, lorsqu’elle a refusé de régler le dossier en plaidant coupable, l’enquêteur a fermé le dossier. Devant le refus de la Ville de payer les honoraires de ses avocats, Tassoni a repris le présent pourvoi en mandamus, ajoutant De Cotis comme demandeur.

La juge de première instance a rejeté leur mandamus, ayant conclu que l’obligation de rembourser en vertu de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, c. C-19) ne commençait qu’une fois le processus juridictionnel engagé, donc lorsqu’une citation à comparaître était déposée au secrétariat de la CMQ, tandis que l’obligation de rembourser en vertu de l’article 35 de la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale (RLRQ, c. E-15.1.0.1)  s’applique lorsqu’un avis est sollicité à titre préventif et non afin de déterminer si un manquement déontologique a été commis

L’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes, qui prévoit qu’une municipalité doit assurer la défense ou la représentation dans une procédure dont est saisi un tribunal, ne s’applique pas en l’espèce. Cette disposition ne mentionne pas l’enquête de la CMQ, même si un élu municipal est susceptible de faire face à une plainte en déontologie devant cette instance lors de son mandat et qu’il a le droit d’être assisté par un avocat lors de l’enquête administrative de la CMQ. Si telle avait été son intention, le législateur aurait facilement pu ajouter cette enquête à la liste prévue à l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes. Or, son absence est significative. De plus, le législateur emploie ailleurs un langage de portée plus large que celui employé à cet article. En effet, il a mis en œuvre un régime de remboursement particulièrement généreux pour les élus municipaux, visant de façon expresse les enquêtes et pré-enquêtes prévues à l’article 85.1 de la Loi sur l’Assemblée nationale (RLRQ, c. A-23.1). Enfin, alors que les définitions du mot «tribunal» se trouvant à l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes et à l’article 56 paragraphe 1 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. C-12) sont identiques et que la Direction du contentieux et des enquêtes de la CMQ (DCE) ne semble pas être incluse dans les autres dispositions de la charte portant sur le «tribunal», il n’y a pas lieu de retenir que la DCE est un «tribunal» au sens de l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes.

Par contre, la juge n’aurait pas dû restreindre l’application de l’article 35 de la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale aux consultations purement préventives, alors que la seule exigence prévue par cette disposition est que l’avis doit porter sur une «question relative au code d’éthique et de déontologie». Par ailleurs, la démarche des appelants avait un caractère préventif puisque leurs mandats d’élus n’étaient pas terminés. Cependant, les appelants ne peuvent obtenir que le remboursement des honoraires d’avocats pour la préparation de l’avis juridique. Comme le remboursement des honoraires se rapportant à l’enquête et aux procédures visant à obtenir le remboursement des honoraires, y compris le présent appel, n’est pas prévu à l’article 35 de la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale, il doit plutôt suivre les règles du droit commun. Or, ces honoraires seraient remboursables seulement sous forme de dommages-intérêts pour abus du droit d’ester en justice, ce qui n'est ni allégué ni prouvé en l’espèce.

Législation interprétée: articles 604.6 de la Loi sur les cités et villes et 35 de la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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