Cour d'appel du Québec

Tanny c. Procureur général des États-Unis

Dutil, Hamilton, Lavallée

 

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une requête en irrecevabilité présentée par l'intimé, le procureur général des États-Unis, afin de faire rejeter la requête en autorisation d’une action collective à son égard. Rejeté.

L'appelante veut être autorisée à intenter une action collective au nom de toutes les personnes qui ont subi des traitements dans le cadre des «Expériences de Montréal» («Montreal Experiments»), menées de 1948 à 1964 par le Dr Donald Ewen Cameron à l'Institut Allan Memorial de Montréal. L'action vise également à indemniser leurs héritiers, les membres des familles et leurs personnes à charge. Le juge de première instance a déterminé que l'action était irrecevable après avoir conclu que l'intimé bénéficiait de l'immunité de juridiction prévue à la Loi sur l'immunité des États (L.R.C. 1985, c. S-18).

Le juge n’a pas commis d’erreur en se saisissant de la question de l’immunité de l'intimé au stade préliminaire. L'article 168 alinéa 2 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) permet qu’une partie puisse opposer l’irrecevabilité d’une demande si elle n’est pas fondée en droit. Or, la question de l’immunité d'un État est une question de droit et d'ordre public qui, à moins de circonstances exceptionnelles, doit être tranchée au stade de l’irrecevabilité.

Par ailleurs, le juge n'a pas erré en droit en concluant que l'intimé bénéficiait de l'immunité de juridiction conférée aux États étrangers, malgré les exceptions découlant de la Loi sur l'immunité des États et des principes de common law. En l'espèce, les faits reprochés, soit les traitements administrés par le Dr Cameron avec le soutien financier de la Central Intelligence Agency, ont eu lieu bien avant l’entrée en vigueur de la loi, en 1982, et l'exception à l’immunité relative aux dommages corporels conférée par l'article 6 ne s’applique pas puisque la loi n'a pas d’effet rétroactif ni rétrospectif.

En effet, le juge n’a pas erré en concluant que les présomptions de non-rétroactivité et de non-rétrospectivité de la loi n’avaient pas été repoussées. Celle-ci ne contient aucune indication selon laquelle une portée rétroactive ou rétrospective a été conférée à l'exception prévue à l’article 6 de la loi, comme c'est le cas pour l'article 6.1 (1), lequel stipule qu'un État ne bénéficie pas de l'immunité dans les actions intentées contre lui pour avoir soutenu le terrorisme à compter le 1er janvier 1985. D'autre part, la loi n'est pas de nature purement procédurale et n'a donc pas d'application immédiate puisqu'elle touche les droits substantiels, à savoir un moyen de défense qui existait avant son entrée en vigueur -- soit l'immunité des États pour les dommages corporels. Au surplus, les tribunaux canadiens qui se sont prononcés sur la question ont tous conclu que la Loi sur l'immunité des États ne s’appliquait pas lorsque la conduite reprochée avait eu lieu avant son entrée en vigueur.

Enfin, la prétention de l'appelante selon laquelle l'intimé ne peut bénéficier d'une immunité en vertu de la common law en raison de la nature commerciale de ses activités ne peut être retenue. Ce qui est reproché à l’intimé, ce sont ses activités de financement reliées aux Expériences de Montréal. Or, la nature de ce financement n’est pas commerciale, les expériences ayant été menées pour répondre à des préoccupations de sécurité nationale à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Il en va de même de l'argument de l'appelante à l'égard du caractère illégal des activités étant donné qu'aucune exception de ce type ne découle de la loi, de la common law ou même du droit international coutumier.

 

Législation interprétée: article 6 de la Loi sur l'immunité des États

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

Le fil RSS de la Cour d'appel vous permet d'être informé des récentes mises à jour.

Un fil RSS vous permet de vous tenir informé des nouveautés publiées sur un site web. En vous abonnant, vous recevrez instantanément les dernières nouvelles associées à vos fils RSS et pourrez les consulter en tout temps.


Vous cherchez un jugement?

Les jugements rendus par la Cour d'appel du Québec depuis le 1er janvier 1986 sont disponibles gratuitement sur le site internet de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ): citoyens.soquij.qc.ca

Une sélection de jugements plus anciens, soit depuis 1963, est disponible, avec abonnement, sur le site internet de SOQUIJ : soquij.qc.ca