Cour d'appel du Québec

Taillon c. Retraite Québec

Vauclair, Marcotte, Healy

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli un pourvoi en contrôle judiciaire d'une sentence arbitrale en matière de régimes de retraite. Rejeté, avec dissidence.

Le 7 février 2018, l'appelante a remis une demande de rachat de service à son employeur pour des périodes d'absence sans traitement découlant de mises à pied cycliques liées à la nature de son poste. L'employeur a transmis cette demande à l'intimée le 19 février 2018. L'intimée a rejeté la demande de rachat en raison du non-respect de la date limite du 14 février 2018 prescrite par l'article 76 de la Loi concernant la mise en œuvre de recommandations du comité de retraite de certains régimes de retraite du secteur public et modifiant diverses dispositions législatives (L.Q. 2018, c. 4). Saisi d'une demande de réexamen, l'arbitre mis en cause a conclu que la notion d'«impossibilité d'agir» s'appliquait au dossier de l'appelante et a ordonné à l'intimée de traiter la demande de rachat de service. La Cour supérieure a conclu que l'arbitre avait rendu une décision déraisonnable en omettant de qualifier la nature juridique du délai énoncé à l'article 76 de la loi avant d'appliquer la notion d'«impossibilité d'agir» prévue à l'article 2904 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64). Ayant déterminé qu'il s'agissait d'un délai de déchéance, la juge a infirmé la décision de l'arbitre et a confirmé celle de l'intimée ayant rejeté la demande de rachat de service.

L'appelante a tort de prétendre que les termes de l'article 76 de la loi ne seraient pas propres au délai de déchéance en l'absence de termes clairs, précis et non ambigus. Un délai peut être de déchéance même si le législateur n'emploie pas ce terme dans la disposition en cause. Dans le présent cas, l'arbitre n'a pas relevé d'ambiguïté ni de manque de clarté dans le libellé de l'article 76. De surcroît, la brièveté du délai prévu à cet article milite en faveur de la qualification du délai de déchéance.

La décision de l'arbitre d'appliquer la notion d'«impossibilité d'agir» ne découlait pas de la qualification du délai à titre de délai de prescription, mais plutôt de son désaccord avec l'approche du législateur de fixer un délai de déchéance et ainsi faire obstacle aux droits des participants de se prévaloir de la demande de rachat permise jusque-là. Or, l'arbitre ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant de modifier le texte de loi pour assouplir un délai de déchéance.

La décision de la Cour supérieure voulant que la sentence arbitrale soit déraisonnable ne comporte pas d'erreur révisable. La juge n'a pas non plus commis d'erreur révisable en qualifiant elle-même le délai plutôt que de renvoyer l'affaire à l'arbitre. Il s'agissait d'une question de droit à laquelle il n'y avait qu'une seule réponse possible et l'appelante a eu l'occasion de plaider tant devant la Cour supérieure que devant cette cour qu'il s'agissait selon elle d'un délai de prescription.

Pour sa part, le juge Vauclair est d'avis que l'arbitre a qualifié le délai prévu dans la loi comme étant un délai de prescription avant d'appliquer la notion d'«impossibilité d'agir» au cas de l'appelante. Il estime que la décision n'était pas déraisonnable, et ce, même si un autre décideur pouvait en venir à un résultat différent.

Législation interprétée: article 76 de la Loi concernant la mise en œuvre de recommandations du comité de retraite de certains régimes de retraite du secteur public et modifiant diverses dispositions législatives

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

Le fil RSS de la Cour d'appel vous permet d'être informé des récentes mises à jour.

Un fil RSS vous permet de vous tenir informé des nouveautés publiées sur un site web. En vous abonnant, vous recevrez instantanément les dernières nouvelles associées à vos fils RSS et pourrez les consulter en tout temps.


Vous cherchez un jugement?

Les jugements rendus par la Cour d'appel du Québec depuis le 1er janvier 1986 sont disponibles gratuitement sur le site internet de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ): citoyens.soquij.qc.ca

Une sélection de jugements plus anciens, soit depuis 1963, est disponible, avec abonnement, sur le site internet de SOQUIJ : soquij.qc.ca