Cour d'appel du Québec

Syndic de 9283-9034 Québec inc.

Dutil, Gagné, Cotnam

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande de recouvrement de deniers et une demande pour directives. Rejeté.

L’appelante a conclu un contrat d’affacturage avec la débitrice, qui s’engageait à lui vendre ses créances. La débitrice a déposé un avis d’intention. Le syndic a alors informé l’appelante qu’elle devait plus de 100 000 $ à la débitrice, ce qu’elle conteste. L’appelante prétend notamment être en droit de retenir plusieurs sommes, dont 50 000 $ à titre de dommages-intérêts liquidés conformément à une clause pénale prévue dans le contrat et 30 000 $ à titre de provision pour le règlement d'une poursuite. Elle soutient qu’elle peut opérer compensation entre les sommes dues à la débitrice pour l’achat de certaines créances et celle due à titre de dommages-intérêts liquidés.

En ce qui concerne la somme de 50 000 $, le juge a conclu que l’application de la clause pénale avait été déclenchée par la faillite et avait pour effet de réduire l’actif de la débitrice de 50 000 $. Ainsi, il a appliqué la règle anti-privation, élaborée par la common law, pour annuler cette clause, et a ordonné à l’appelante de remettre cette somme au syndic.

L’appelante conteste ce jugement, soutenant notamment que la règle anti-privation ne s’applique pas au Québec.

La règle anti-privation trouve application au Québec. Elle découle de la mise en œuvre, par le législateur, du principe selon lequel les éléments d'actif d’un débiteur failli, qui doivent être dévolus au syndic, ne peuvent être soustraits de son patrimoine en vertu d’une entente contractuelle prévoyant le paiement d’une somme déterminée à un créancier, et ce, en raison du seul dépôt d’un avis d’intention ou d’une faillite. Elle est le reflet de l’application de l’article 71 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3). Cette règle fait partie de cette loi, même si elle n’y est pas codifiée. De plus, l'un des aspects importants de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité est de garantir un traitement équitable aux créanciers. Or, la règle anti-privation donne effet à une interdiction implicite de la loi qui «empêche des parties de s’entendre pour retirer de l’actif d’un failli certains biens qui auraient autrement été dévolus au syndic» (Chandos Construction Ltd. c. Restructuration Deloitte Inc. (C.S. Can., 2020-10-02), 2020 CSC 25, SOQUIJ AZ-51712024, 2020EXP-2239, paragr. 12).

En l’espèce, les 2 volets du test de l’arrêt Chandos Construction Ltd. pour déterminer si la règle anti-privation a été enfreinte, sont respectés. Premièrement, l’application de la clause invoquée a été déclenchée par le seul fait que la débitrice a déposé un avis d’intention. Aucun autre motif valable n’a été établi pour justifier la retenue de 50 000 $ sur la somme due à la débitrice pour l’achat des créances. Deuxièmement, l’appelante a retenu 50 000 $ qu’elle devait payer à la débitrice pour l’achat de créances. L’appelante n’était nullement propriétaire de cette somme, mais plutôt débitrice, et celle-ci devait donc être dévolue au syndic. Ainsi, en la conservant afin d’opérer compensation avec la créance découlant de l’application de la clause pénale, l’appelante a réduit la valeur de l’actif de la débitrice.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

Le fil RSS de la Cour d'appel vous permet d'être informé des récentes mises à jour.

Un fil RSS vous permet de vous tenir informé des nouveautés publiées sur un site web. En vous abonnant, vous recevrez instantanément les dernières nouvelles associées à vos fils RSS et pourrez les consulter en tout temps.


Vous cherchez un jugement?

Les jugements rendus par la Cour d'appel du Québec depuis le 1er janvier 1986 sont disponibles gratuitement sur le site internet de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ): citoyens.soquij.qc.ca

Une sélection de jugements plus anciens, soit depuis 1963, est disponible, avec abonnement, sur le site internet de SOQUIJ : soquij.qc.ca