Cour d'appel du Québec

Succession de Blanchet c. Succession de Fournier

Mainville, Gagné, Beaupré

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en contestation d’un acte authentique. Accueilli en partie.

Blanchet était la nièce de Cécile Fournier, décédée en février 2018 à l’âge de 99 ans. Son dernier testament notarié connu est daté du 9 décembre 2016, alors qu’elle était devenue aveugle. Il existe toutefois un testament antérieur, signé le 8 mars 2013, qui avantage Blanchet plutôt que l’intimé Bélanger.

Blanchet, aujourd’hui décédée, a contesté la validité du testament de décembre 2016 à titre d’acte authentique. Ce testament a été lu à Cécile par le notaire, en présence de 2 témoins, et elle a confirmé qu’il contenait bien ses dernières volontés. On y retrouve la formule de clôture suivante: «La testatrice étant aveugle, le notaire instrumentant soussigné déclare avoir fait lecture du présent testament à la testatrice, en présence des témoins. […] La présente déclaration a ensuite été lue à la testatrice par le notaire instrumentant en présence des témoins.»

Le juge de première instance a retenu que les formalités requises par l’article 720 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) pour le testament d’une personne aveugle étaient respectées. Selon lui, le fait que la formule de clôture mentionne que Cécile a signé le testament alors que ce n’est pas le cas n’est qu’une simple «erreur d’inattention» à laquelle il pouvait passer outre conformément à l’arrêt Laprade c. Joumard (C.A., 1998-12-16), SOQUIJ AZ-99011129, J.E. 99-330.

Le testament authentique reçu devant notaire, un officier public, est un acte solennel dont les formalités doivent être plus rigoureusement observées. Le juge a commis une erreur de droit en évacuant de son analyse les formalités requises par l’article 719 C.C.Q., relatives à la signature du testateur dans l’impossibilité de signer. La formule de clôture prévue au testament de 2016 satisfait aux formalités requises par l’article 720 C.C.Q. pour le testament d’une personne aveugle: le testament est lu par le notaire au testateur en présence de 2 témoins, le notaire déclare avoir fait la lecture en présence des témoins et cette déclaration est également lue. Toutefois, cette disposition ne constitue pas un cas général qui englobe et permet d’escamoter la situation du testateur incapable de signer visée par l’article 719 C.C.Q. Chacun des articles 719 à 722.1 C.C.Q. s’applique à une situation précise bien identifiée et édicte des formalités spéciales dans le cas de testateurs potentiellement vulnérables pour des raisons différentes, qui peuvent être cumulatives.

Puisque la testatrice n’était pas en mesure de signer le testament, il importait de respecter les formalités requises par l’article 719 C.C.Q., ce qui n’a pas été fait. Cette omission fait perdre au testament son caractère authentique. L’arrêt Laprade ne s’applique pas en l'espèce. La formalité non respectée n’est pas «purement accessoire». L’article 713 C.C.Q. prévoit aussi clairement la sanction du défaut de l’accomplir, soit la nullité de l’acte comme testament notarié.

Bien qu’il ne satisfasse pas entièrement aux formalités du testament notarié, faute d’en respecter une, le testament de 2016 satisfait néanmoins, pour l’essentiel, aux conditions requises par le testament devant témoins prévues aux articles 727 à 729 C.C.Q. Le juge a d’ailleurs conclu qu’il reproduit fidèlement les volontés de la testatrice et qu’il présente des garanties suffisantes de fiabilité. Le testament peut donc être validé à titre de testament devant témoins en vertu de l’article 713 C.C.Q. En effet, ce qui est «essentiel» au sens de l’article 714 C.C.Q. relève d’un examen subjectif. Dans le présent cas, la signature de la testatrice ne constitue pas une formalité essentielle. Les objectifs de la signature d’un testament, établis dans Gariépy (Succession de) c. Beauchemin (C.A., 2006-02-01), 2006 QCCA 123, SOQUIJ AZ-50354004, J.E. 2006-375, sont atteints.

 

Législation interprétée : articles 714, 719 et 720 C.C.Q.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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