Cour d'appel du Québec

St-Pierre c. R.

Cotnam, Lavallée, Bachand

 

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejetée une requête en non-lieu et prononcé un verdict de culpabilité. Accueilli.

Lors d'une perquisition menée dans une roulotte, les policiers ont saisi une carabine de calibre .22. Le canon et la crosse de cette arme ont été tronçonnés afin qu’elle puisse être tenue en main comme un pistolet. En raison de cette modification, la longueur de la carabine et de son canon correspond à la définition d’une «arme à feu prohibée» en vertu de l’article 84 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.). Lors de sa découverte, l’arme n’était pas sous verrou et était chargée d'une munition. Dans son environnement immédiat, les policiers ont aussi trouvé un sac contenant 71 cartouches de calibre .22 en vrac et un chargeur compatible avec la carabine qui renfermait 7 autres munitions. L’appelant a donc été accusé d’avoir eu en sa possession une arme à feu prohibée chargée sans être titulaire d’un permis l’y autorisant (art. 95 (2) a) C.Cr.).

L’appelant conteste le rejet de sa requête en non-lieu et soutient que l’un des éléments essentiels de l’infraction, soit la qualification de la carabine tronçonnée comme étant une «arme à feu» au sens de la loi, n’aurait pas été établi hors de tout doute raisonnable par le poursuivant.

L’infraction décrite à l'article 95 C.Cr. suppose la réunion des éléments matériels et psychologiques qui sous-tendent l’une des 3 formes de possession que reconnaît cette loi, à savoir la possession personnelle, la possession imputée et la possession conjointe. À cela s’ajoutent les éléments essentiels que constituent les circonstances prohibées dans lesquelles l’arme en question doit être trouvée, soit le fait qu’elle soit chargée ou que des munitions pouvant être utilisées avec cette arme soient «facilement accessibles». Le poursuivant est aussi tenu de démontrer que l’accusé n’était pas titulaire de l’autorisation requise ou encore du certificat d’enregistrement de l’arme. Enfin, pour ce qui est de l’objet de cette possession, le poursuivant doit établir que l’arme en cause constitue une «arme à feu prohibée» au sens du Code criminel. Cette démonstration nécessite la preuve que l’arme est «fonctionnelle», c’est-à-dire susceptible d’infliger des lésions corporelles ou la mort en tirant un projectile au moyen d’un canon.

Le bon état de fonctionnement de l’arme peut être prouvé par une preuve directe, indirecte ou circonstancielle. À la lumière de la jurisprudence, le comportement de l’accusé à l’égard de l’arme à feu peut, en certaines circonstances, permettre de conclure que celle-ci était fonctionnelle. Il est aussi reconnu que la preuve circonstancielle doit reposer sur des faits précis, impliquant notamment l’accusé, l’utilisation de l’arme ou des constats concernant son état. Le poursuivant ne peut se contenter d’invoquer le fait que l’arme était chargée ou que des munitions étaient disponibles à proximité. Conclure autrement reviendrait à présumer le caractère fonctionnel de l’arme dès qu’elle est trouvée dans ces circonstances, lesquelles constituent 2 des éléments essentiels de l’infraction décrite à l’article 95 C.Cr. Ils ne peuvent, à eux seuls, permettre d’établir un troisième élément essentiel, soit que l’arme constitue une arme à feu au sens de l’article 2 C.Cr.

En l'espèce, la poursuite, même si elle était en possession de l'arme, a choisi de s'en remettre à une preuve circonstancielle. Or, malgré la retenue qui s’impose, force est de constater que, en l’absence d’une indication découlant des activités antérieures de l’appelant ou de l’usage réel, et non hypothétique, qu’il aurait fait de l’arme, le simple fait qu’une arme chargée soit trouvée à la vue de tous dans une roulotte isolée est tout aussi compatible avec la fonctionnalité de l'arme que l’inférence contraire. N'ayant su démontrer que celle-ci était fonctionnelle, la poursuite ne s'est donc pas acquittée de son fardeau de preuve.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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