Cour d'appel du Québec

SNC-Lavalin inc. c. Lafarge Canada inc.

Dutil, Cotnam, Moore

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande introductive d’instance pour exercer un recours récursoire anticipé par voie d’appel en garantie et des requêtes en garantie. Rejeté.

Dans le contexte de l’affaire de la pyrrhotite, les appelants ont été déclarés responsables in solidum avec d’autres codéfendeurs des préjudices causés à 857 immeubles résidentiels (Deguise c. Montminy (C.S., 2014-06-12 (jugement rectifié le 2014-07-31 et le 2014-11-06)), 2014 QCCS 2672, SOQUIJ AZ-51081725, 2014EXP-1966, J.E. 2014-1112) (jugement phare). Par ailleurs, leur part de responsabilité a été établie à 70 %, ce qui a été confirmé en appel (SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Deguise (C.A., 2020-04-06), 2020 QCCA 495, SOQUIJ AZ-51681330, 2020EXP-956) (arrêt phare). Les appelants ont introduit un recours en garantie contre les intimées Lafarge Canada inc., producteur de ciment, et De Grosbois, une géologue de formation qui travaille pour Lafarge, alléguant la commission de fautes qui les rendaient responsables des dommages causés aux victimes. Le juge de première instance a conclu à l’absence de faute.

La «présomption de vérité» est l'usage à titre de moyen de preuve de faits dans une instance subséquente. Ce n’est donc pas l’effet normatif de la décision qui est en jeu, mais son «effet probatoire». En l'espèce, plusieurs éléments permettaient au juge de s’écarter des constats de faits retenus dans le dossier phare. D’abord, les intimées n’étaient pas parties à ces instances et elles n’ont donc pas pu présenter de preuve, non plus que tester celle des appelantes et des autres parties. Ensuite, la nature des questions et l’objet des débats différaient, le dossier phare portant sur des fautes distinctes et imputables à des personnes et entités autres que dans la présente instance. Enfin, une importante preuve additionnelle, comportant de nouvelles pièces, des témoignages et des expertises a été administrée quant aux intimées dans la présente instance.

Pour ce qui est de l’article 1539 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.), il est inapplicable puisque la défense invoquée par les intimées, soit l’absence de faute, n’était pas commune à tous les codébiteurs. Même si le risque de dégradation du béton provoquée par l’oxydation des granulats contenant de la pyrrhotite était scientifiquement connu en 2002, les intimées n’ont commis aucune faute en raison de la nature de leur intervention et de leur mandat limité. Ce moyen se distingue du seul état des connaissances et est personnel aux termes de l’article 1539 C.C.Q.

D'autre part, bien que le juge ait été imprécis lorsqu’il a exposé les règles de droit sur la responsabilité extracontractuelle - celle-ci peut être engagée en l’absence de faute contractuelle -, cela n’a pas entraîné d’erreurs révisables dans ses conclusions sur cette question. Les conclusions du juge quant à divers reproches formulés à l’endroit de De Grosbois et de Perreault, un ingénieur au service de Lafarge, doivent être maintenues. En effet, la conduite des 2 professionnels ne s’écartait pas de celle qu’une personne raisonnable, prudente et diligente aurait eue dans les mêmes circonstances.

Enfin, le juge n’a pas erré quant à l’application des règles de preuve encadrant l’évaluation des fautes alléguées. À cet égard, il était notamment question de la présomption de réception énoncée à l'article 31 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (RLRQ, c. C-1.1) en lien avec la réception par De Grosbois d’une télécopie. Or, un document peut être transmis sans être communiqué, comme c’est le cas en l’espèce. Que la télécopie ait ou non été reçue, c’est bien la connaissance de ce document qui aurait pu être la source d’un devoir, pour De Grosbois, d’assurer un suivi. À moins d'établir que le fait pour De Grosbois de ne pas avoir pris connaissance de cette télécopie constitue en lui-même une faute, imputable à celle-ci ou à Lafarge, le juge ne pouvait conclure à une faute.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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