Cour d'appel du Québec

Riopel et al. c. CISSS des Laurentides et al.

Marcotte, Schrager, Cournoyer

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande d'injonction interlocutoire provisoire. Accueilli.

En raison des enjeux liés à la disponibilité de la main-d’oeuvre, l’intimé a entamé une réflexion quant à une réorganisation des services à l’urgence du Centre multiservices de santé et de services sociaux de Rivière-Rouge (centre hospitalier). Au terme de cette démarche, il a annoncé que, à compter du 1er février 2024, les heures d’ouverture du service d’urgence seraient ajustées de 8 h à 20 h, plutôt que l'horaire de 24 heures sur 24 en vigueur. À l’extérieur des heures d’ouverture, les usagers seraient invités à consulter d’autres services d’urgence.

Après avoir constaté l’existence d’une situation urgente, d’une apparence de droit ou d’une question sérieuse à juger et d’un préjudice sérieux ou irréparable susceptible de découler de la fermeture de l’urgence entre 20 h et 8 h, la juge de première instance a néanmoins conclu au rejet de la demande des appelantes au motif que la prépondérance des inconvénients favorisait plutôt le maintien de la décision administrative de l’intimé.

La force qui se dégage de l’évaluation que fait la juge des critères de l’apparence de droit et du préjudice irréparable aurait dû la mener à conclure que la prépondérance des inconvénients favorisait les appelantes plutôt que l’intimé, d’autant plus que les inconvénients invoqués par ce dernier sont de la nature d’hypothèses et ne ressortent pas de la preuve au dossier. En effet, les déclarations sous serment et le rapport de consultation déposés par l’intimé se contentent de soulever un doute sur la capacité du centre hospitalier de maintenir les soins d’urgence de 20 h à 8 h et sont fondés sur du ouï-dire et sur le risque d’une fermeture éventuelle causée par une pénurie de personnel, alors qu’il admet n’avoir recensé aucune rupture de service de son service d’urgence. Au surplus, malgré la crainte alléguée d’un préjudice découlant d’une fermeture impromptue ou d’une rupture de service, l’intimé n’a pas semblé mettre en place un plan d’urgence pour une telle éventualité, laissant ainsi croire qu’il considère une telle fermeture peu probable.

En fait, dans le cadre de son analyse, la juge a accordé davantage d’importance à l’intérêt public découlant de la présomption de validité de la décision administrative qu’à l’intérêt public invoqué au nom des usagers. Or, le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public. De plus, contrairement à ce qu’a semblé conclure la juge, le fait pour un tribunal d’ordonner que le service d'urgence demeure ouvert entre 20 h et 8 h ne s'apparente pas à la suspension d'un texte législatif. Il importe de faire une distinction entre la décision prise par la directrice du centre hospitalier qui, selon la preuve administrée, risque de causer un préjudice irrémédiable aux usagers, et une décision ministérielle prise dans le contexte de l’application d’une loi d’ordre public. Ces 2 situations ne peuvent bénéficier du même degré de présomption. Il s'agit plutôt en l’espèce de l'interruption d'un service public prévu par la loi susceptible d'entraîner des conséquences concrètes pour les citoyens qui devraient pouvoir en bénéficier. Au surplus, le préjudice que subiraient les appelantes est potentiellement beaucoup plus important et irrémédiable que le préjudice institutionnel lié à l'organisation du personnel de l'urgence qui, à ce stade-ci, est éventuel et non réel. Enfin, la jurisprudence tend généralement à favoriser le statu quo pour assurer l’efficacité d’un éventuel remède et éviter qu’un jugement final favorable ne puisse être exécuté.

 

Texte intégral de la décision : Riopel et al. c. CISSS des Laurentides et al.

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