Cour d'appel du Québec

R. c. Zarow

Hamilton, Moore, Cournoyer

 

Appel d'un jugement de la Cour du Québec ayant accueilli une requête en arrêt des procédures. Accueilli.

L’intimé, un chiropraticien ayant fait l’objet d’une plainte disciplinaire lui reprochant, notamment, une inconduite sexuelle à l’égard d’une ancienne patiente, a également été accusé d’avoir commis une agression sexuelle à son endroit (art. 271 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46)). Malgré les ordonnances de confidentialité rendues par le Conseil de discipline de l’Ordre des chiropraticiens du Québec, la syndic a transmis une décision rendue par ce dernier à l'enquêteuse de la police, qui l’a à son tour transmise à la procureure de la poursuite. La juge de première instance, qui s’est penchée sur le préjudice causé par la transmission de cette décision, a conclu qu'aucune réparation autre qu'un arrêt des procédures ne suffirait pour le corriger et rétablir le droit de l'accusé à un procès équitable.

La norme de contrôle applicable à un arrêt des procédures a été décrite dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309. L'intervention d'une cour d'appel sera justifiée que si le juge s'est trompé en droit, a commis une erreur de fait révisable ou a rendu une décision erronée au point de créer une injustice. En l’espèce, la décision de la juge est prématurée. Suivant les principes établis dans R. c. La (C.S. Can., 1997-06-26), SOQUIJ AZ-97111080, J.E. 97-1409, [1997] 2 R.C.S. 680, l'évaluation du préjudice causé par la divulgation de la décision du Conseil aurait dû attendre la fin du témoignage de l’ancienne patiente ou la fin de la preuve de la poursuite. Par ailleurs, il est essentiel d'examiner les règles régissant les procédures qui se déroulent parallèlement à une poursuite criminelle portant sur les mêmes faits ou sur des faits connexes.

Contrairement à la prétention de l’intimé, l’arrêt R. c. Couche-Tard inc. (C.A., 2014-07-31), 2014 QCCA 1456, SOQUIJ AZ-51098449, 2014EXP-2495, J.E. 2014-1428, n’établit pas qu’une présomption de préjudice découle toujours du fait que la poursuite apprend la version des faits de l'accusé dans le cadre de procédures parallèles et que cela devrait entraîner un arrêt de procédures. Dans le présent dossier, il aurait été nécessaire de déterminer s'il y avait effectivement un préjudice à son droit à un procès équitable. La divulgation de la version des faits par l’accusé dans le cadre d’un processus autre, en l'occurrence disciplinaire, est une conséquence inévitable du fait qu’il se déroule en parallèle des procédures criminelles. Par ailleurs, le droit à la protection contre l’auto-incrimination est protégé par des mesures procédurales bien établies. Enfin, en ce qui a trait aux restrictions qui s’appliquent au principe de la publicité des débats, il demeure que l'application des critères qui se dégagent du test Dagenais/Mentuck/Sherman est un exercice lié aux faits et au contexte. S’il fallait conclure que la simple divulgation de la défense de l’intimé par la transmission inappropriée de la décision du Conseil est suffisante pour entraîner l'arrêt des procédures, et ce, même si un préjudice réel au droit à un procès équitable n’a pas été démontré, cela ferait en sorte qu’il faudrait dorénavant rendre des ordonnances de confidentialité dans chaque cas de procédure disciplinaire parallèle à une poursuite pénale afin d'empêcher la divulgation de la défense d'un accusé et de prévenir l'arrêt des procédures qui s'ensuivrait. Or, le fait de rendre «automatiquement» de telles ordonnances de confidentialité serait contraire au principe de l'audience publique.

Par ailleurs, la question de savoir si l’ancienne patiente a été influencée par la lecture de la décision doit faire l'objet d'un contre-interrogatoire afin de déterminer si la fiabilité et la crédibilité de son témoignage ont été compromises. Aucune conclusion prématurée ne peut être tirée avant ce contre-interrogatoire. En vertu de ces principes et à la lumière de l'examen du droit applicable aux procédures parallèles à une poursuite criminelle, la décision d’ordonner l’arrêt des procédures est annulée.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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