Cour d'appel du Québec

R. c. Zampino; R. c. Marcil et al.

Savard, Doyon, Healy

Les intimés ont été inculpés de diverses infractions, notamment de fraude, d’abus de confiance, de corruption dans les affaires municipales et de complot, à l’issue d’une enquête menée par l’Unité permanente anticorruption (« UPAC ») connue sous le nom du « projet Fronde ». Dans le cadre de cette enquête, l’UPAC a obtenu l’autorisation d’intercepter les communications privées de 39 « cibles ». Cette autorisation inclut une clause permettant l’interception des communications entre des cibles et des « personnes inconnues ». Parmi les intimés, seuls Frank Zampino et Bernard Poulin étaient des cibles. Cette opération d’écoute électronique a mené à l’interception d’un grand nombre de communications privées. Parmi ces interceptions, plusieurs centaines impliquaient la participation d’avocats. Les enquêteurs ont eu accès au contenu de quelques-unes d’entre elles, même si certaines étaient privilégiées.

Quelques mois avant le début du procès, M. Zampino dépose une requête en arrêt des procédures, invoquant une atteinte à ses droits garantis par les art. 7, 8 et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte »), qui constituerait également un abus de procédure. La juge de première instance accueille cette requête, déclare l’autorisation d’écoute électronique invalide et ordonne l’arrêt des procédures intentées contre M. Zampino. À la suite de cette décision, les autres intimés déposent une requête en arrêt des procédures fondée sur des considérations similaires. La juge accueille leur requête et ordonne l’arrêt des procédures intentées contre les autres intimés.

La poursuite interjette appel de ces deux jugements. Elle reproche à la juge d’avoir erré en concluant que les modalités de l’autorisation d’écoute électronique ainsi que son exécution ne protégeaient pas suffisamment le secret professionnel de l’avocat et entraînaient une violation des art. 7, 8 et 11d) de la Charte. Elle lui fait aussi grief d’avoir erré en concluant que la conduite de l’État constituait un abus de procédure justifiant un arrêt des procédures intentées contre les intimés.

La Cour accueille l’appel.

La Cour conclut que la juge a erré en déclarant que l’autorisation d'écoute électronique était, en soi, abusive. La juge ne pouvait affirmer que les moyens mis en place étaient abusifs, puisqu’ils étaient tous permis par le paragr. 186(8) C.cr., notamment le fait que l’autorisation était accompagnée d’un mandat général, d’une ordonnance d’assistance, d’un mandat autorisant un dispositif de localisation et d’un mandat permettant l’utilisation d’un enregistreur de données de transmission. Une enquête policière dans des domaines comme la corruption, le complot et la fraude exige parfois des moyens d’une grande ampleur, à la condition qu’ils soient conformes à la loi.

La Cour est d’avis que la juge a commis des erreurs de droit dans l’analyse de la clause concernant le secret professionnel de l’avocat.

La Cour considère néanmoins que la clause ne protégeait pas adéquatement le secret professionnel puisqu’elle prévoyait l’envoi au juge autorisateur de toutes les communications impliquant un avocat, sans qu’il n’y ait de motifs raisonnables de croire qu’elles n’étaient pas privilégiées. Le secret professionnel de l’avocat est un concept fondamental en droit canadien et il doit être protégé en limitant autant que possible l’accès aux conversations privilégiées, et ce, afin que la confiance des clients dans leur relation avec leurs avocats ne soit pas ébranlée. Une clause comme celle prévue dans l’arrêt Pasquin c. R., 2014 QCCA 786, protège mieux le secret professionnel et doit devenir la norme. De ce fait, lorsqu’une communication interceptée implique un avocat, elle ne peut être envoyée au juge autorisateur sans que la police n’ait de motifs raisonnables de croire que celle-ci n’est pas privilégiée. Cette norme exigeante vise à minimiser l’atteinte aux droits des cibles, tout en permettant à la police d’écouter la communication, après autorisation d’un juge, s’il existe des motifs raisonnables de croire que la présomption de privilège puisse être renversée. L’autorisation en cause dans le présent dossier ne respecte pas cette norme et la Cour conclut qu’elle enfreint la protection de l’art. 8 de la Charte.

Bien qu’elle conclue que les droits des intimés ont été enfreints, la Cour est d’avis toutefois que ces violations ne sont pas d’une gravité qui justifie un arrêt des procédures. Bien que la conduite des policiers à l’occasion de l’opération d’écoute électronique puisse être empreinte de négligence, elle est d’une gravité moindre que celle retenue par la juge, de sorte que l’arrêt des procédures n’est pas la seule réparation à envisager. À titre de remède, la Cour ordonne plutôt l’exclusion de la preuve issue de l’écoute électronique. Elle infirme donc les jugements de première instance et ordonne la tenue d’un procès.

Texte intégral de l’arrêt : R. c. Zampino; R. c. Marcil et al.

Traduction non officielle: R. c. Zampino; R. c. Marcil et al.

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