Cour d'appel du Québec

R. c. Rioux

Mainville, Hamilton, Bachand

 

Appel d’un verdict d’acquittement. Accueilli, avec dissidence; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

La poursuite porte en appel un jugement ayant prononcé l’acquittement de l’intimé sous un chef d’accusation d’agression sexuelle. La preuve de la poursuite portait sur 2 rapports sexuels ayant eu lieu à quelques heures d’intervalle, l’un survenu à Magog (le seul sur lequel porte l’appel), et l’autre, à Bonsecours. La victime, qui avait consommé de l’alcool, n’a aucun souvenir de ces relations sexuelles.

Le juge de première instance a commis des erreurs de droit en analysant la question de la capacité de la victime à consentir aux actes sexuels. D’abord, il semble avoir considéré que le témoignage de l’intimé constituait une preuve directe de la capacité de la victime à consentir aux actes sexuels et du fait que cette dernière avait effectivement consenti. Or, le témoignage d’une victime est le seul élément pouvant constituer une preuve directe de son état d’esprit au moment où est commise une agression. Un accusé peut témoigner relativement à des faits circonstanciels susceptibles de soulever un doute raisonnable quant au témoignage d’une victime qui nie avoir consenti à l’acte sexuel; son témoignage est également recevable lorsque, comme en l’espèce, la victime n’est pas en mesure de témoigner directement sur son état d’esprit au moment où est survenu cet acte. Toutefois, ce témoignage ne constituera qu’un élément de preuve circonstancielle parmi d’autres de l’état d’esprit de la victime.

Le juge a commis une autre erreur, beaucoup plus importante, en estimant que le témoignage de la victime ne lui était d’aucune utilité dans l’analyse de son état d’esprit lors des actes sexuels, car elle n’en avait aucun souvenir. L’utilité potentielle du témoignage d’une victime incapable de se souvenir de l’acte sexuel est reconnue. En l'espèce, le juge n’a tenu compte d’aucun des faits circonstanciels relatés par la victime dans son analyse du caractère consensuel des actes sexuels. Ceux-ci sont pourtant indéniablement pertinents, car plusieurs d’entre eux tendent à contredire le récit de l’intimé quant au déroulement de la soirée et à l’état de la victime. Ainsi, le juge a erré en ne tenant pas compte du témoignage de la victime à titre d’élément de preuve circonstancielle. Il a également omis de tenir compte d’autres éléments circonstanciels pertinents, dont l’état d’incapacité de la victime au moment de la relation sexuelle survenue à Bonsecours, ou encore la déclaration extrajudiciaire de l’intimé, enregistrée par la victime, qui tendait à démontrer que celle-ci n’était pas apte à consentir aux actes sexuels.

Ces erreurs ne sont pas sans conséquence et la Cour estime qu’un nouveau procès, limité toutefois aux événements de Magog, doit être ordonné, conformément à l’article 686 (8) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46). Certes, les actes sexuels survenus à Magog et ceux survenus à Bonsecours ont fait l’objet de 1 seul chef d’accusation, et la règle générale est qu’une ordonnance de tenue d'un nouveau procès après l’annulation d’un acquittement vise un procès complet. Or, l’appelant a renoncé à contester la conclusion du juge selon laquelle l’intimé n’avait pas engagé sa responsabilité criminelle relativement aux événements de Bonsecours. Pour cette raison, la tenue d’un nouveau procès complet aurait pour effet de rouvrir le débat à l’égard d’une question qui a été tranchée de manière définitive et entraînerait possiblement une violation des droits de l’intimé protégés par l’article 11 h) de la Charte canadienne des droits et libertés (L.R.C. 1985, app. II, no 44, annexe B, partie I). Enfin, la tenue d’un nouveau procès complet ne s’impose pas à la lumière de l’arrêt R. c. Cowan (C.S. Can., 2021-11-05), 2021 CSC 45, SOQUIJ AZ-51806378, 2021EXP-2695, qui traitait d’une situation bien différente.

Pour sa part, le juge Mainville estime que le juge de première instance a considéré l’ensemble de la preuve, y compris la preuve circonstancielle, et en a conclu qu’il croyait le témoignage de l’intimé. Il considère aussi qu’une ordonnance de tenir un nouveau procès est contre-indiquée, compte tenu de l’objet de l’acte d’accusation en l’espèce.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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