Cour d'appel du Québec

R. c. Gagnon

Hamilton, Beaupré, Hardy

 

Appel de la peine. Accueilli.

L’appelant se pourvoit à l'encontre d'un jugement de la Cour du Québec ayant condamné l’intimé à purger une peine d’emprisonnement totale de 18 mois avec sursis, suivie de 24 mois de probation, pour des infractions de harcèlement et de voies de fait commises aux dépens de sa conjointe durant la vie commune et de harcèlement à l’égard de cette dernière et de son nouveau conjoint 6 ans après la rupture.

La juge de première instance a commis 2 erreurs de principe ayant eu une incidence sur la peine en omettant d’évaluer correctement le risque que l’imposition d’une peine avec sursis à l’intimé poserait pour la collectivité. Premièrement, la juge a limité de façon déraisonnable la portée de la «collectivité» en cause, et ce, en estimant que, parce que l’intimé avait commis les infractions à l’égard de sa conjointe dans un contexte conjugal, la collectivité n’était pas visée. Or, la sécurité de la collectivité ne concerne pas exclusivement la collectivité dans son ensemble, mais peut ne viser que 1\seule personne. La juge a ainsi dénaturé le test applicable.

Deuxièmement, la juge n'a pas évalué le risque de récidive de l’intimé ou, à tout le moins, a omis d’accorder suffisamment d’importance à un cumul d’éléments pertinents. Or, même si l’on devait considérer que la juge a pris en compte certains facteurs pour évaluer le risque de récidive de l’intimé, ce que la Cour ne conclut pas, ces facteurs ne contrebalanceraient aucunement les autres facteurs, défavorables et déterminants, dont la longue période infractionnelle, les antécédents judiciaires en semblable matière de l’intimé, les circonstances du harcèlement qu’il a fait subir à son ex-conjointe et au nouveau conjoint de cette dernière, 6 ans après la rupture, son absence d’introspection et le fait qu’il est demeuré détenu durant son procès. Par ailleurs, la juge n’a procédé à aucune analyse de la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive, à supposer qu’elle aurait conclu à un risque de récidive, même minime.

Ces erreurs justifient l’intervention de la Cour. Concernant la gravité subjective et le degré de culpabilité morale de l’intimé, la juge a commis une erreur de principe en la qualifiant de «moyenne», et ce, indistinctement au regard de chacun des gestes infractionnels. Or, le degré de culpabilité morale de l’intimé en lien avec les voies de fait, y compris celles consistant à avoir porté un coup de poing au ventre de la victime durant sa grossesse et d’avoir tenté de l’étrangler, est élevé, notamment parce qu’elles sont survenues durant une longue période ponctuée d’autres gestes de violence physique.

Par ailleurs, la Cour doit prendre en compte le contexte de violence conjugale et postconjugale et l’importance des objectifs de dissuasion et de dénonciation en la matière, jointe aux considérations associées à la vulnérabilité des victimes de violence conjugale de sexe féminin. Ces considérations revêtent par ailleurs une importance particulière lorsque des voies de fait sont commises aux dépens d’une femme enceinte.

En l'espèce, une peine d’emprisonnement totale de 18 mois, soit 12 mois pour les voies de fait et 9 mois concurrents pour le harcèlement criminel durant la vie commune, et 6 mois consécutifs pour le harcèlement ayant suivi la rupture, constitue une peine juste et appropriée. Ainsi, il y a lieu de substituer, aux 10 mois de peine avec sursis qu’il resterait environ à l’intimé à purger, une peine de 9 mois d’emprisonnement qui, après la prise en considération des jours de détention provisoire purgés par l’intimé, est ajustée à 6 mois.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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