Cour d'appel du Québec

Procureur général du Québec c. Ville de Drummondville

Mainville, Sansfaçon, Baudouin

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli un pourvoi en contrôle judiciaire. Accueilli.

En première instance, la ville intimée soutenait que le Décret concernant la déclaration d'une zone d'intervention spéciale afin de permettre l'aménagement et la poursuite de l'exploitation d'un lieu d'enfouissement technique sur certains lots situés sur le territoire de la Ville de Drummondville (Décret 1235-2021 du 15-09-2021, (2021) 153 G.O. II 5604) n’était pas conforme à sa loi habilitante, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

La juge de première instance a annulé le décret. D’une part, le périmètre de la zone d’intervention spéciale (ZIS) n’était pas adéquatement défini et était largement supérieur au territoire requis aux fins de la ZIS, ce qui démontrait que la décision de la créer était déraisonnable en ce qu’elle n’était pas conforme à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ, c. A-19.1) et qu’elle avait été prise à des fins impropres. D’autre part, le décret ne prévoyait pas sa durée.

Le décret n’a pas une portée qui outrepasse les fins prévues dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Les articles 158 et ss. de la loi autorisent le gouvernement à déclarer toute partie du territoire du Québec «zone d’intervention spéciale» dans le but de résoudre un problème d’aménagement ou d’environnement. La loi ne dit pas que le problème dont on cherche la solution doit se situer en tout ou en partie à l’intérieur du périmètre d’application de la ZIS. Par ailleurs, rien dans la loi n’empêche la création d’une ZIS afin de régler un problème réel, et ce, bien que ses effets ne se soient pas encore matérialisés. Cela dit, dans ses motifs, la juge a donné aux pouvoirs accordés par les articles 158 et ss. de la loi une interprétation restrictive, commettant ainsi une erreur de droit. En effet, la loi confère au gouvernement une grande latitude lorsque, à son avis, le problème environnemental qu’il cherche à régler présente un degré élevé de gravité. En l’espèce, la loi lui permettait de déterminer le périmètre de la ZIS qu’il considérait comme utile afin d’atteindre son objectif et rien dans la loi ne le limitait au seul périmètre requis aux fins de l’agrandissement déjà autorisé.

Quant au fait que le décret ne prévoit pas sa durée, la juge a commis 3 erreurs de droit. Premièrement, l’affirmation selon laquelle le gouvernement aurait invoqué l’urgence comme motif de son intervention est inexacte: s’il est vrai qu’il y avait alors bien urgence d’agir, le gouvernement a choisi de ne reconnaître que la gravité du problème comme motif d’intervention, tel qu’il appert clairement du décret lui-même. Deuxièmement, nulle part dans le décret, que ce soit dans ses attendus ou dans les objectifs qui y sont mentionnés, il n’est question du fait que la création de la ZIS ne soit qu’une solution à court terme ou même temporaire au problème auquel il faisait alors face. Troisièmement, en laissant entendre que le gouvernement doit s’efforcer de trouver une solution de rechange à long terme au problème qui tiendrait compte des mesures, des solutions ou des exigences visant à assurer une meilleure gestion des résidus ultimes et des divers contextes régionaux, plutôt que de créer une ZIS afin de solutionner le grave problème d’environnement constaté, la juge s’est ingérée dans le processus décisionnel que le législateur a confié au gouvernement, ce qu’elle ne pouvait pas faire.

Puisque le décret est conforme à la raison d'être et à la portée du régime législatif sous lequel il a été adopté, il est valide.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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