Schrager, Mainville, Hamilton
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal administratif du travail (TAT). Rejeté.
Le syndicat mis en cause a déposé une requête en accréditation visant les inspecteurs et les agents de classement agroalimentaires de l’intimée travaillant dans des terminaux à grains situés dans 6 ports du Québec. Le TAT a rejeté la requête après avoir conclu que la succursale en cause constitue une entreprise distincte et que les employés visés exercent des activités relevant de la compétence législative fédérale dérivée. Le juge de première instance a estimé que le TAT avait erré en concluant à l’intégration à plusieurs entreprises fédérales plutôt qu’à 1 seule. Il a toutefois estimé que le test constitutionnel était respecté au regard de l’intégration de la succursale à l’entreprise fédérale cliente située au port de Montréal, et ce, même si des services de l’intimée sont aussi fournis à d’autres entreprises fédérales.
L’appelant et le syndicat soutiennent que le TAT a erré en concluant que la succursale visée par la requête en accréditation constitue une entreprise distincte de l’intimée aux fins de l’analyse constitutionnelle. Or, la preuve démontre que les activités de la succursale, consacrées aux grains et à la provision de ses services liés à l’exploitation d’installations portuaires liées aux grains, sont distinctes et autonomes des autres activités de l’intimée.
Puisque l’intimée invoquait les compétences fédérales tant directes qu’indirectes, il incombait au juge de déterminer, selon la norme de la décision correcte, si les conclusions du TAT à l’égard des 2 cas étaient valables. Depuis l’arrêt R. c. Eastern Terminal Elevator Co. (C.S. Can., 1925-05-05), [1925] R.C.S. 434, et l’adoption de la Loi des grains du Canada (S.C. 1925, c. 33), en 1925, la compétence fédérale directe sur les installations liées aux grains et sur les entreprises et les individus qui en assurent le fonctionnement est incontestable. Il ressort des précédents jurisprudentiels que ces compétences fédérales exclusives comprennent également la compétence exclusive sur les relations du travail des personnes travaillant auprès des installations liées aux grains afin d’y accomplir des travaux ou des activités fonctionnellement nécessaires et essentielles aux activités de ces installations, conformément à ce que prévoit la loi. Ces activités comprennent notamment l’échantillonnage, la pesée, le classement, l’inspection et la certification des grains au sein des installations situées dans les ports canadiens, de même que la fumigation et le nettoyage de ces installations et des navires qui transportent ces grains. Cela constitue l’ensemble des activités des employés de la succursale autonome de l’intimée visée par la requête en accréditation. Ces employés relèvent donc de la compétence fédérale directe en ce qui concerne les relations du travail puisque leurs activités sont entièrement intégrées à celles des installations liées aux grains.
Selon Madysta Télécom ltée c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (C.A., 2020-02-03 (jugement rectifié le 2020-02-05)), 2020 QCCA 183, SOQUIJ AZ-51665638, 2020EXPT-357, même en présence de plusieurs entreprises fédérales principales, la doctrine de la compétence fédérale dérivée peut néanmoins s’appliquer dans la mesure où il est possible d’identifier une entreprise distincte. En l’espèce, la preuve a révélé que l’entreprise fédérale située au port de Montréal tient une place largement dominante dans les activités de la succursale de l’intimée et que ses employés travaillent de manière constante auprès de cette entreprise. Ainsi, bien que la Cour soit d’avis que la compétence fédérale directe s’applique et que le TAT a erré en concluant l’inverse, elle estime que la compétence fédérale dérivée permet aussi de conclure à l’absence de compétence constitutionnelle de ce dernier sur la requête en accréditation.
Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca