Gagnon, Ruel, Lavallée
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant infirmé un jugement de la Cour du Québec qui avait déclaré l’intimée coupable d'avoir exploité une entreprise offrant une activité de sécurité privée sans être titulaire d'un permis d'agence de la catégorie pertinente. Accueilli, avec dissidence.
L’intimée exploite un système électronique de sécurité dans le cadre de ses activités au centre d’appels d’urgence de l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal. Elle a été déclarée coupable de l’infraction prévue à l’article 114 de la Loi sur la sécurité privée (RLRQ, c. S-3.5). La Cour supérieure siégeant en appel a cassé la déclaration de culpabilité et a déclaré la loi inapplicable aux activités exercées par l’intimée à l’aéroport. Seule la question de l’applicabilité de la Loi sur la sécurité privée au regard de la doctrine de l’exclusivité de la compétence fédérale en matière d’aéronautique était en jeu en première instance et devant la Cour supérieure. Les appelants font valoir que le juge d’appel a erré en déclarant que la loi était inapplicable à l’intimée.
Le Parlement fédéral possède la compétence exclusive pour réglementer le domaine de l’aéronautique, ce qui vise autant la réglementation de l’exploitation des aéronefs que des aéroports et aérodromes. La sécurité d’un aéroport fait également partie du contenu essentiel de la compétence fédérale, comme l’a conclu le juge d’appel. La sécurité du transport aérien passe nécessairement par la sécurité des aéroports. Les activités de l’intimée s’inscrivent donc dans le contenu essentiel de la compétence fédérale.
Le juge d’appel a erré quant à l’intensité des effets nécessaires pour conclure à une entrave à l’exercice de la compétence fédérale ainsi qu’à l’égard du fardeau de preuve requis pour conclure à une entrave. L’application de la Loi sur la sécurité privée à l’intimée ne cause aucune véritable entrave. Aucune des dispositions retenues par le juge d’appel n’empiète gravement sur les activités de l’intimée dans leur spécificité fédérale. Une entrave purement spéculative ou hypothétique ne suffit pas. Il y a absence d’empiétement sur le contenu essentiel de la compétence sur l’aéronautique puisque la Loi sur la sécurité privée ne réglemente pas la manière de mener les activités au centre d’appels d’urgence. Le régime mis en place par la loi provinciale en ce qui a trait au permis d’agent ne permet pas au Bureau de la sécurité privée (BSP) de dicter de façon discrétionnaire la manière dont l’agent de sûreté doit exercer ses fonctions. Il vise uniquement à s’assurer que les titulaires de permis d’agent respectent des normes comportementales élémentaires et générales. Ces normes ont pour objet la protection du public et s’apparentent aux normes professionnelles que doivent respecter les agents. Elles ne portent donc pas atteinte de manière grave ou importante au cœur de la compétence fédérale.
Le juge d’appel a aussi commis une erreur en concluant que la simple existence du pouvoir du BSP de donner des directives à l’intimée, en tant que détenteur d’un permis d’agence, constitue une entrave. Reconnaître que n’importe quelle entrave hypothétique peut entraîner une application accrue de la doctrine de l’exclusivité des compétences est contraire à l’approche restrictive adoptée depuis l’arrêt Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta (C.S. Can., 2007-05-31), 2007 CSC 22, SOQUIJ AZ-50435443, J.E. 2007-1068, [2007] R.R.A. 241 (rés.), [2007] 2 R.C.S. 3. Les pouvoirs d’inspection et d’enquête du BSP ne posent aucune entrave aux activités de l’intimé. La doctrine de l’exclusivité des compétences ne s’applique pas en l’espèce. Enfin, même si la doctrine s’appliquait, l’inapplicabilité de la loi en entier ne serait pas la réparation appropriée.
Le juge Ruel, dissident, aurait rejeté l’appel. Sa dissidence porte sur le champ d’application de la Loi sur la sécurité privée et l’application de la doctrine de l’exclusivité des compétences.
Législation interprétée : Loi sur la sécurité privée
Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca