Cour d'appel du Québec

Péloquin c. R.

Vauclair, Sansfaçon, Kalichman

 

Appels de déclarations de culpabilité. Rejetés. Requêtes pour permission d'appeler sur les peines des appelants Jolicoeur et Péloquin. Accueillies. Appels de peine. L'appel de Jolicoeur sur la peine est accueilli en partie et celui de Péloquin est rejeté.

Les appelants ont participé à un stratagème frauduleux à grande échelle qui a duré plusieurs années. Cette fraude a entrainé des pertes d’environ 14,8 millions de dollars pour les nombreux investisseurs qui ont été floués. Au terme d’un procès devant jury, les appelants ont été déclarés coupables sous divers chefs d'accusation. Des peines d’emprisonnement de durée variable selon les accusés ont également été imposées.

Le délai net entre le dépôt des accusations et la fin de la présentation de la preuve est de 58 mois. Le juge de première instance a noté que les délais institutionnels étaient de 32 mois. Il a conclu que la complexité de l’affaire justifiait un dépassement du plafond en vertu d’une mesure transitoire exceptionnelle. Cette conclusion ne comporte aucune erreur. Par ailleurs, les délais ne justifiaient pas un arrêt des procédures selon R. c. Morin (C.S. Can., 1992-03-26), SOQUIJ AZ-92111050, J.E. 92-517, [1992] 1 R.C.S. 771. Certes, les 32 mois attribuables aux délais institutionnels dépassent largement les balises fixées dans cet arrêt, mais les appelants étaient en liberté. La matérialisation du préjudice est présumée en raison du long délai; l’analyse ne se termine toutefois pas là. La gravité des accusations et le préjudice subi sont des variables dans l’application de la mesure transitoire exceptionnelle; ces 2 éléments jouent un rôle décisif dans la détermination du caractère raisonnable du délai. En l'espèce, le délai pour tenir le procès a découlé d'une série de difficultés diverses conjuguées aux problèmes connus du district judiciaire en cause. Cela justifiait la conclusion du juge.

D'autre part, un juge peut prévenir la répétition de la preuve lorsque les délais sont sur le point de devenir déraisonnables. Il peut alors s’immiscer avec prudence dans les pouvoirs discrétionnaires de la poursuite. Toutefois, ces pouvoirs ne peuvent s’exercer au détriment de l’équité et des règles de preuve. La question est encore plus délicate lorsque la preuve vise des déclarations imputées à des accusés, comme en l'espèce, et ne porte pas sur des faits périphériques. Il faut alors des circonstances sérieuses, voire exceptionnelles, pour qu’un juge adopte des mesures qui touchent les prérogatives des parties, leur stratégie et la conduite du procès. Dans le présent cas, le juge a erré en autorisant la poursuite à introduire en preuve, par le truchement de déclarations sous serment des investisseurs lésés, des déclarations imputées à des accusés. Ces éléments sont en principe des éléments importants de la preuve incriminante qui sont mieux administrés de vive voix, ce qui permet de contre-interroger les témoins après un témoignage principal non directif. Cela dit, aucun tort important ni aucune erreur judiciaire grave ne se sont produits au sens de l’article 686 (1) b) (iii) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46).

Enfin, l’appelante Jolicoeur, qui a été condamnée à une peine totale de 3 ans d’emprisonnement, échoue à démontrer que le juge aurait erré en ne tenant pas compte des longs délais préinculpatoires. Ce dernier, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, a considéré que ces délais, compte tenu de la nature des infractions, de l’étendue de l’enquête et la complexité de la preuve, étaient justifiés. Par ailleurs, le juge n’a pas non plus erré en ne tenant pas compte de la perte de son droit de pratique notariale. L’exercice d’une profession de notaire exige un haut degré de probité. Profiter de ce statut pour commettre un crime constitue un facteur aggravant. Or, la fraude est si grave que la Cour doute que la déchéance personnelle de l’appelante puisse être déterminante. Toutefois, il est vrai que le juge a commis une erreur de principe en ne demandant pas d’observations additionnelles avant d’imposer une peine plus sévère que celle suggérée par la poursuite sous le chef de recyclage des produits de la criminalité. Il y a donc lieu de substituer une peine de 2 ans à celle imposée par le juge sous ce chef.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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