Cour d'appel du Québec

OS4 Techno inc. c. Ville de Montréal

Marcotte, Baudouin, Bachand

Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en dommages-intérêts (1 857 807 $) et une demande en restitution de l’indu, en dommages-intérêts et en inopposabilité (2 425 666 $). Accueillis en partie.

Parent et Bissonnette – un employé senior de la Ville de Montréal et son sous-traitant – ont mis sur pied un stratagème de fausse facturation qui leur a permis de détourner plus de 5 millions de dollars. Dans un premier dossier, la Ville a poursuivi OS4 Techno inc., qui l’avait facturée pour des services qui n’avaient pas été rendus et qui n’allaient jamais l’être. Dans un second dossier, OS4 a poursuivi les différents acteurs et entreprises ayant, selon elle, participé à la fraude, dont Bissonnette et Leblanc, un avocat qui avait permis que son compte en fidéicommis soit utilisé pour encaisser 2\chèques et qui avait ensuite remis les sommes à Parent et à Bissonnette.

Bissonnette

Vu sa participation admise à la fraude, Bissonnette a engagé sa responsabilité solidaire à l’égard de la Ville, à la lumière de l’article 10 de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics (RLRQ, c. R-2.2.0.0.3), pour l’entièreté du préjudice découlant des détournements. Quant à sa responsabilité à l’égard d’OS4, les articles 1536 et 1537 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) prévoient que le débiteur solidaire ne peut réclamer à ses codébiteurs que leur part respective dans l’obligation solidaire. Ainsi, le juge a commis une erreur lorsqu’il a condamné solidairement les différents acteurs de la fraude à l’endroit d'OS4. Bissonnette ne pouvait être condamné à rembourser solidairement à cette dernière des sommes au-delà de sa part de responsabilité dans le préjudice causé, laquelle a été fixée par le juge à 27\%.

D'autre part, OS4 a modifié sa demande introductive d’instance en 2012 pour y ajouter une demande en inopposabilité visant le transfert de la moitié indivise de l'immeuble appartenant à Bissonnette et à son épouse. À ce moment, la créance de la Ville envers OS4 et Bissonnette, et par extension celle d’OS4 envers Bissonnette vu leur responsabilité solidaire, était née et certaine. De plus, cette demande a été formulée moins de 1 an après le transfert, lequel a sciemment fragilisé le patrimoine de Bissonnette au détriment de ses créanciers. Le juge n'a donc pas commis d'erreur en concluant à l’inopposabilité du transfert.

OS4

Le juge pouvait conclure non seulement qu’OS4 avait participé à la fraude en toute connaissance de cause, mais également qu’elle avait été une actrice de premier plan dans celle-ci. Cela fait en sorte que sa responsabilité solidaire a été engagée aux termes de l’article 10 de la loi. D'autre part, à la lumière de la jurisprudence, l’obligation imposée par l’article 1479 C.C.Q. ne doit pas être interprétée de façon à faire supporter à la victime une partie des conséquences de la faute commise par le responsable puisque cela serait contraire au principe même de la responsabilité civile et au droit à la réparation qui en découle. Ainsi, il ne faut pas concevoir le tort que subit la Ville en raison du transfert des sommes vers l’étranger comme une simple aggravation d’un préjudice qu'elle avait commencé à subir lorsqu’elle en a été dépossédée. Il faut plutôt y voir un préjudice additionnel découlant des fautes distinctes dont elle a été victime et dont elle ne saurait être tenue responsable aux termes de l'article 1479 C.C.Q.

Leblanc

Bien que Leblanc n’ait pas été au courant du stratagème frauduleux et qu’il n’y ait pas participé activement, l’utilisation de son compte en fidéicommis dénote un comportement insouciant et téméraire constitutif d’une faute civile qui a causé le préjudice subi par la Ville. Cependant, sa responsabilité ne pouvait être engagée que jusqu’à concurrence de la somme qui a transité par son compte. Son obligation de réparer le préjudice doit être considérée in solidum à l’égard de la Ville, car sa responsabilité relève du domaine extracontractuel et non du domaine contractuel, contrairement à OS4. Puisque le juge a fixé la part de responsabilité de Leblanc à 1 % et que ce pourcentage n’a pas été remis en cause, il y a lieu de s’en tenir à cette valeur.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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