Cour d'appel du Québec

Lord c. Tawil

Hamilton, Moore, Cournoyer

 

Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une action négatoire de servitude et ayant rejeté une demande reconventionnelle. Rejetés.

Les parties sont propriétaires de lots voisins. Aux termes d'un acte de vente, une servitude de passage à pied et en voiture a été créée sur le lot de l’intimé en faveur d’un lot de l’appelante. Le juge de première instance a déclaré que la servitude de passage à pied n’était pas prescrite puisque l’appelante avait circulé à pied sur l’assiette de la servitude en 2016. Après avoir retenu que l’intimé avait érigé une barrière en 2008, il a déclaré que la servitude de passage en voiture était prescrite, l’appelante ayant admis qu’elle avait emprunté la servitude pour la dernière fois en voiture en 2007. L’appelante soutient que l’installation de la barrière a interrompu la prescription. Pour sa part, l’intimé prétend que le juge a erré en fait en concluant que cette dernière était passée à pied sur l’assiette de la servitude dans les 10 ans ayant précédé le dépôt de la demande, alors que le terrain était impraticable.

La preuve est insuffisante pour conclure à une erreur manifeste du juge sur les 2 questions de fait contestées, soit l’installation de la barrière en 2008 et le passage à pied de l’appelante en 2016. Quant à savoir si l’installation de la barrière a interrompu la prescription, il ressort de l’article 1194 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) que l’impossibilité d’exercer une servitude, quelle qu'en soit la raison, n’est plus une cause d’extinction immédiate. La seule cause d’extinction qui entre en jeu lorsque l’exercice de la servitude est impossible est le non-usage pendant 10 ans (art. 1191 paragr. 5 C.C.Q.). Si le propriétaire du fonds servant rend impossible l’exercice de la servitude, le propriétaire du fonds dominant a 10 ans à partir de cette date pour faire valoir son droit, sous réserve pour ce dernier de prouver l'une des causes reconnues d’interruption ou de suspension de la prescription, comme l’impossibilité d’agir (art. 2904 C.C.Q.), laquelle n’inclut cependant pas la simple impossibilité d’exercer la servitude en raison d’une barrière ou d'un autre obstacle illicite s’il avait été par ailleurs possible d’agir en justice pour mettre fin à l’obstruction motivant son non-usage.

Ainsi, si le propriétaire du fonds dominant tolère une obstruction et, de fait, omet de passer sur l’assiette de la servitude pendant une décennie, la turpitude du propriétaire du fonds servant à l’origine de l’obstruction perd alors son importance et c’est la négligence du propriétaire du fonds dominant qui est déterminante. Le but, ou à tout le moins l’effet, de la prescription est de sanctionner la négligence de ceux qui, se sachant lésés dans leurs droits, négligent d’intenter le recours approprié pour corriger la situation.

En l'espèce, même si l’intimé a empêché l’appelante d’utiliser la servitude en voiture en installant une barrière en 2008, il demeure que cette dernière, de fait, n’a pas passé en voiture sur la servitude depuis 2007 et qu’elle n’a pas prouvé la survenance ou l’accomplissement, dans les 10 années suivantes, de quelque fait ou geste qui aurait pu suspendre ou interrompre la prescription. En conséquence, son droit de passer en voiture s’est bel et bien éteint en 2017 par le non-usage depuis 2007.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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