Cour d'appel du Québec

Leduc c. Succession d'Amos

Gagnon, Marcotte, Moore

Requête de bene esse pour permission d’appeler nunc pro tunc. Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en annulation d’un testament, en déclaration de faux et en réclamation de dommages-intérêts et ayant accueilli en partie une demande en déclaration d’abus et en remboursement d’honoraires extrajudiciaires. Accueillis en partie.

L’appelante a rencontré Amos en 1980. Elle travaillait pour lui comme gouvernante de maison. Elle n’était pas rémunérée, mais elle était logée et nourrie dans sa propriété. En 1984, Amos a rencontré l’intimée Ruby. Une relation amoureuse s’est développée entre eux puis celle-ci a emménagé chez lui en 1996.

Dans un testament notarié signé en 2010, Amos a nommé l’appelante légataire résiduaire universelle de ses biens. Celle-ci héritait donc notamment de sa résidence. Des legs particuliers étaient accordés à l’intimé Alfred, un ami, ainsi qu’à Ruby.

Toutefois, en mars 2016, Amos a entrepris des démarches pour modifier son testament. Il ne souhaitait plus transmettre son immeuble à l’appelante. À la suite d’une chute survenue le 24 août 2016, il a été hospitalisé. Un notaire s’est déplacé à l’hôpital pour recueillir ses dernières volontés. Il a rédigé un nouveau testament dans lequel Amos nomme les intimés légataires universels résiduaires et lègue à l’appelante, à titre particulier, la somme de 30 000 $. Amos a signé le testament sur son lit d’hôpital le 21 septembre 2016, la veille de son décès. Le témoin trouvé par le notaire n’était toutefois pas présent lors de la lecture du testament et de sa signature.

Déçue de n'hériter que d'une part relativement modeste de l'important patrimoine d'Amos, l’appelante a poursuivi la succession et les héritiers de celui-ci. Elle invoquait notamment l’absence de capacité, la captation ainsi que des vices de forme, soit l’absence du témoin lors de la signature du testament ainsi que le non-respect de l’article 720 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) en matière de testament d’un aveugle.

La juge de première instance a rejeté les allégations d’incapacité et de captation, qu’elle a déclarées abusives, ainsi que la demande en déclaration de faux, qui n’avait pas été introduite dans un délai raisonnable. Elle a accordé 10 000 $ aux intimés en dommages-intérêts.

Dès lors que l’appelante se pourvoit en appel d’une demande ayant été déclarée abusive (celle relative à la nullité du testament pour captation), l’ensemble de l’appel doit être soumis à une permission aux termes de l’article 30 paragraphe 3 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01). En application des critères d’une permission d’appeler nunc pro tunc, il convient de refuser la permission d’appeler, à l’exception des questions, liées entre elles, portant sur la recevabilité de la déclaration de faux et sur la validité du testament quant à sa forme. Les autres moyens (capacité de tester, captation et déclaration d’abus) ne soulèvent aucune question d’intérêt et sont voués à l’échec.

La juge a erré en refusant d’analyser la demande en déclaration de faux. L’exigence que la demande soit faite à l’intérieur d’un délai raisonnable vise uniquement à s’assurer que le notaire et toutes les parties soient dûment informés du débat à venir. Cet objectif est atteint en l’espèce, car les allégations de la demande introductive d’instance faisaient déjà référence à l’irrégularité de forme et le notaire y était déjà mis en cause.

Enfin, le testament ne respecte pas les formalités du testament notarié prévues aux articles 716 et 717 C.C.Q. puisque le témoin n’était pas présent lorsque le testateur a déclaré que l’acte lu contenait l’expression de ses dernières volontés et qu’il l’a signé. L’acte prétend d’ailleurs faussement que cette condition essentielle est remplie. La déclaration de faux doit donc être accueillie.

Le testament perd son caractère authentique, mais il peut valoir comme testament devant témoins. L’article 714 C.C.Q. s’applique au testament notarié. En l’espèce, le testament renferme de manière claire et non équivoque les dernières volontés d’Amos. De plus, la présence d’un deuxième témoin n’aurait rien apporté de plus pour attester l’aptitude et les dernières volontés du testateur. Toutes les personnes ayant témoigné ont affirmé qu’il était alerte le jour de la signature.

L’appel est donc accueilli en partie à la seule fin de déclarer faux l’acte authentique, de déclarer le testament valide à titre de testament devant témoins et de modifier le délai à l’intérieur duquel l’appelante devra quitter l’immeuble.

Législation interprétée: articles 30 paragr. 3 C.P.C. et 714 C.C.Q.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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