Cour d'appel du Québec

Labrecque c. R.

Doyon, Healy, Beaupré

 

Requête pour permission d’interjeter appel de la peine. Accueillie. Appel de la peine. Rejeté.

L’appelant a été reconnu coupable par un jury du meurtre au premier degré de son ex-conjointe. Le verdict, non motivé, ne permet pas de savoir si le jury a conclu qu’il s’agissait d’un meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré (art. 231 (2) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.)) et/ou d’un meurtre perpétré en commettant l’infraction de harcèlement criminel (art. 231 (6) C.Cr.). Le juge de première instance a condamné l’appelant à l’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, conformément à l’article 745 a) C.Cr. Il a rejeté la demande de l’appelant de déclarer cette peine inconstitutionnelle. Selon le juge, puisque la contestation ne portait que sur la peine infligée pour un meurtre accompagné de harcèlement criminel et que le meurtre en cause avait été perpétré à la fois avec préméditation et de propos délibéré et à l’occasion d’un harcèlement criminel, la question soulevée était essentiellement théorique et n’avait pas à être traitée. Par ailleurs, il a estimé que la question avait déjà été tranchée dans Meunier c. R. (C.A., 2014-09-17), 2014 QCCA 1681, SOQUIJ AZ-51108126, 2014EXP-2935, J.E. 2014-1680.

Le juge s’est inspiré à bon droit de l’arrêt R. c. Ferguson (C.S. Can., 2008-02-29), 2008 CSC 6, SOQUIJ AZ-50475579, J.E. 2008-514, [2008] 1 R.C.S. 96, pour conclure que les faits qu’il avait retenus démontraient hors de tout doute raisonnable que le meurtre avait été commis de manière préméditée et de propos délibéré, même si, par ailleurs, le harcèlement criminel pouvait avoir été démontré. Il ne devait pas se demander s’il était vraisemblable ou s’il y avait une possibilité raisonnable que l’un des jurés ait pu reconnaître l’accusé coupable sur la base d’un meurtre accompagné de harcèlement criminel. Il devait plutôt examiner la preuve pour établir ses propres constatations et conclusions de fait – évidemment compatibles avec le verdict – et non tenter de reconstituer le raisonnement du jury. Bien qu’il soit possible que certains jurés aient conclu au meurtre au premier degré en raison de la concomitance d’une infraction de harcèlement criminel, il reste que ce n’est pas la question. D’une part, ce qui importe, ce n’est pas la voie suivie par l'un ou plusieurs des jurés, mais bien les conclusions factuelles du juge. D’autre part, en l’absence d’une erreur de fait révisable à cet égard, une cour d’appel ne peut intervenir sur ces conclusions de fait. L’inférence tirée par le juge relative à la préméditation du meurtre ne laisse voir aucune erreur manifeste et déterminante.

Si le juge concluait que la preuve démontrait hors de tout doute raisonnable l’existence d’un meurtre prémédité et commis de propos délibéré, l’exercice était terminé; le juge ne pouvait accueillir la demande d’inconstitutionnalité si le verdict était basé sur la préméditation, même s’il pouvait aussi être basé sur le harcèlement criminel. Ainsi, le juge pouvait refuser de trancher la demande, la question étant devenue purement théorique.

Quant à l’arrêt Meunier, qui a déterminé que l’article 231 (6) C.Cr. n’imposait pas une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés (L.R.C. 1985, app. II, no 44, annexe B, partie I), malgré son utilité, il ne permet pas à lui seul de trancher le débat. En effet, la question posée dans cet arrêt et les arguments invoqués étaient différents. L’arrêt Meunier demeure toutefois pertinent dans le présent dossier puisqu’il établit qu’il y a un haut niveau de culpabilité morale lorsque le meurtre est commis à l’occasion de harcèlement, atténuant ainsi la valeur de l’argument de l’appelant selon lequel la turpitude morale en cas de harcèlement est inférieure à celle dans les cas de préméditation.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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