Cour d'appel du Québec

Groupe Essa inc. c. Directeur des poursuites criminelles et pénales

Mainville, Gagné, Beaupré

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté l’appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté.

L’appelante est propriétaire de camions et de remorques, et plusieurs de celles-ci ont été modifiées afin d’intégrer un espace de chargement additionnel sur la section de métal - le timon - rattachant la remorque au camion. La Cour du Québec l’a déclarée coupable d’avoir laissé circuler sur un chemin public un véhicule routier dont le nombre d’essieux, en l'occurrence 3, excédait celui inscrit dans le registre d’immatriculation, soit 2. La juge de première instance a rejeté la requête en rejet du chef d’accusation présentée par l’appelante, qui invoquait la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et la règle du stare decisis horizontal dans la mesure où, en février 2020, elle avait été acquittée sous la même accusation. Sur la question du calcul du nombre d’essieux, la juge de première instance a rejeté l’interprétation de l’article 17 du Règlement sur l’immatriculation des véhicules routiers (RLRQ, c. C-24.2, r. 29) retenue dans le jugement de février 2020. En appel, le juge de la Cour supérieure a confirmé que ni la préclusion ni le stare decisis ne trouvaient application.

Même lorsque les 3 conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sont remplies, le juge conserve le pouvoir discrétionnaire de refuser d’en faire bénéficier le défendeur. En l’espèce, le juge de la Cour supérieure n’a pas erré en concluant que la juge de première instance n’avait pas commis d’erreur en rejetant l’argument de la préclusion. La Cour diffère toutefois d’opinion quant au motif essentiel de cette conclusion. En effet, la question essentielle et déterminante dont étaient saisies la juge de première instance et celle ayant rendu le jugement daté de 2020 ne relevait pas des faits ou de la preuve, mais de l’interprétation de l’article 17 du règlement, à la lumière de la politique intitulée Calcul du nombre d’essieux pour l’immatriculation, soit une question de droit isolable, ce que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée n’englobe pas.

Le juge n’a pas non plus erré en concluant que le principe du stare decisis horizontal ne trouvait pas application. Si les juges suivent fréquemment les jugements rendus par leurs collègues de la même juridiction, ils le font essentiellement par souci d'une meilleure administration de la justice; ils n’y sont pas tenus aussi formellement qu’envers les arrêts des tribunaux d’appel. Tout dépendra, au sein du tribunal d’instance, de la solidité et de la qualité des motifs du jugement invoqué comme «précédent» ou, en l’absence d’un arrêt d’un tribunal d’appel, de l’unanimité de la jurisprudence de ce tribunal sur une question donnée. En l’espèce, le jugement de février 2020 ne constituait pas une décision faisant autorité, qui contraindrait les autres juges de paix magistrats, voire les juges de la Cour du Québec, à suivre l'interprétation retenue de l'article 17 du règlement, laquelle est marquée du sceau de la rapidité, de l’ambiguïté et du doute.

Finalement, l’interprétation de l’article 17 paragraphe 1 du règlement selon laquelle la longueur de l’espace de chargement additionnel installé sur le timon d’une remorque doit être exclue de la mesure de l’espace de chargement total, au motif que cette longueur se mesure «en excluant le timon», selon la politique, n’est pas correcte ni conforme à l’objectif législatif de sécurité et de prudence sur les chemins publics. On doit plutôt en comprendre que le timon est exclu de la mesure de l’espace de chargement total de la remorque parce que, conformément à sa finalité, il est destiné à la raccrocher au camion qui la tire, et non à supporter un espace de chargement supplémentaire.

 

Législation interprétée : article 17 paragraphe 1 du Règlement sur l’immatriculation des véhicules routiers

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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