Cour d'appel du Québec

Gravel c. Denis

Bich, Cotnam, Kalichman

 

Requête en intervention. Rejetée. 

En 2019, les appelants, qui ont été déclarés coupables de meurtre, principalement sur la foi du témoignage d’un délateur, ont fait appel de ce verdict. Dans l’intervalle, ce dernier a obtenu de la Cour la permission d’appeler en vue d’obtenir le retrait de son plaidoyer de culpabilité. Au soutien de cette demande, il invoque les fausses promesses ainsi que le comportement trompeur et abusif de la police et des procureurs aux poursuites criminelles et pénales agissant à l’époque, dont l'avocate requérante. Pour leur part, au soutien de leur appel respectif, les appelants contestent le refus du tribunal de première instance de prononcer l’arrêt des procédures au motif de la conduite abusive de l’État envers le délateur. Ils ont ainsi déposé une requête pour nouvelle preuve, dans laquelle ils demandaient notamment la permission d’interroger celui-ci. Cette requête a été accueillie partiellement et déférée à la formation qui entendra les appels. La requérante sollicite la permission d’intervenir dans les dossiers des appelants afin de contre-interroger le délateur et de présenter une argumentation sur la force probante des allégations que celui-ci fait à son endroit.

En matière criminelle, si l’intervention est possible, ce n’est que de manière limitée, sur le mode de l’intervention amicale que reconnaissent les articles 185 alinéa 1 in fine et 187 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01) (C.P.C.), auquel l’article 81 des Règles de la Cour d’appel du Québec en matière criminelle (TR/2018-96 du 31-10-2018, (2018) 152 Gaz. Can. II 3955) permet de recourir, avec une réserve déterminante: cette intervention ne peut pas enfreindre l’équité du procès ou de l’appel, l’accusé ne pouvant faire face à 2 poursuivants. Elle doit par ailleurs viser des questions de droit qui 1) outrepassent l’intérêt personnel de la partie souhaitant intervenir et 2) relèvent du droit constitutionnel, y compris les libertés publiques, ou soulèvent une question de droit générale et importante ainsi que d’intérêt public. Enfin, l’intervention relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et ne sera accordée qu’avec parcimonie vu le cadre particulier des procédures criminelles.

En l’espèce, l’intervention que projette la requérante n’a rien de l’intervention amicale, mais s’apparente plutôt à une intervention agressive au sens de l’article 185 C.P.C. Cette dernière, qui redoute que l’intimé ne représente pas adéquatement ses intérêts lors de l’interrogatoire du délateur, requiert que lui soit reconnu contre les appelants un droit sur lequel la contestation est directement engagée, à savoir la recevabilité et la force probante de la preuve testimoniale nouvelle issue de cet interrogatoire. Or, une telle intervention n’est pas possible dans la présente affaire criminelle, car il est alors question de défendre un intérêt et un point de vue strictement personnels, interférant ainsi avec les moyens d’appel des appelants et risquant de contredire l’intimé ou de compromettre directement la stratégie de celui-ci. 

Par ailleurs, même si l’on se rabattait sur l’intervention conservatoire, la situation de l’espèce n’y correspond pas: il ne peut être question de permettre à la requérante de se substituer à l’intimé. D'autre part, ce dernier n’a aucunement besoin du soutien ou de l’assistance de la requérante. Même le choix de l’intimé de ne pas contester les allégations formulées par le délateur ne saurait conférer quelque droit d’intervention que ce soit à cette dernière. Enfin, qu’elle tente d’agir de manière agressive ou conservatoire, il est inconcevable qu’une tierce personne s’immisce comme partie dans un dossier criminel, même aux seules fins du débat sur la preuve nouvelle. Or, les affaires criminelles résultent de l’exercice du pouvoir de l’État contre un individu et il est impensable, dans ce contexte, que celui-ci doive faire face à 2 poursuivants.

 

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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