Cour d'appel du Québec

Gestion Juste pour rire inc. c. Gloutnay

Marcotte, Hogue, Moore

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une action en réclamation de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail et en réintégration. Accueilli en partie.

Estimant que le contrat de travail «à vie» dont il était saisi n’était pas contraire à l’ordre public et valait renonciation de l’employeur à la faculté d’y mettre un terme moyennant un préavis raisonnable, le juge de première instance a ordonné la réintégration de l’intimé dans ses fonctions, avec compensation financière, en plus de lui accorder 20 000 $ à titre de dommages non pécuniaires.

Dans Uniprix c. Gestion Gosselin et Bérubé inc. (C.S. Can., 2017-07-28), 2017 CSC 43, SOQUIJ AZ-51412992, 2017EXP-2143, [2017] 2 R.C.S. 59, les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont reconnu la légalité des contrats perpétuels, sauf lorsque le législateur l'a expressément prévu autrement, comme en matière de contrats de travail. Or, en l’espèce, les témoignages des signataires de l’entente démontrent que l’intimé ne s’obligeait pas à vie. Ils établissent également qu’il y avait eu renonciation (en contrepartie notamment de la cession par l’intimé d’une collection vidéo) à la faculté de l’employeur de résilier le contrat aux termes de l’article 2091 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64). Dans un tel contexte, et vu notamment l’abandon par l’appelante de certains moyens de contestation, le contrat en cause ne semble pas a priori contraire à l’ordre public et la qualification de contrat sui generis auquel le juge fait référence est appropriée. En revanche, celui-ci a erré en ordonnant la réintégration de l’intimé puisque la caractère intuitu personae du contrat faisait obstacle à une telle mesure. En outre, dans le contexte où le poste de l’intimé avait été aboli, la réintégration n'offrait qu’un remède illusoire en plus de présenter des inconvénients susceptibles de la rendre peu souhaitable. Il convient donc d’intervenir à cet égard et d’accorder une indemnité appropriée, en tenant compte du principe de la réduction des dommages, l’existence d’une garantie d’emploi n’éliminant pas cette obligation. De plus, l’engagement de l’intimé de céder sa collection permet de particulariser la présente espèce eu égard aux principes normalement applicables au préavis dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée. Ainsi, compte tenu de l’âge de l’intimé (59 ans), de ses compétences et des difficultés qu’il éprouve à se trouver un emploi, il convient de lui accorder, jusqu’à l’atteinte de ses 65 ans, soit le 26 novembre 2030, des dommages-intérêts équivalant au salaire et aux avantages dont il a été privé depuis le 7 février 2020. Enfin, la Cour infirme la conclusion du juge quant aux dommages non pécuniaires puisqu’il en découle, dans les circonstances, une double indemnisation.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

Le fil RSS de la Cour d'appel vous permet d'être informé des récentes mises à jour.

Un fil RSS vous permet de vous tenir informé des nouveautés publiées sur un site web. En vous abonnant, vous recevrez instantanément les dernières nouvelles associées à vos fils RSS et pourrez les consulter en tout temps.


Vous cherchez un jugement?

Les jugements rendus par la Cour d'appel du Québec depuis le 1er janvier 1986 sont disponibles gratuitement sur le site internet de la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ): citoyens.soquij.qc.ca

Une sélection de jugements plus anciens, soit depuis 1963, est disponible, avec abonnement, sur le site internet de SOQUIJ : soquij.qc.ca