Cour d'appel du Québec

Gabriel c. Ward

Doyon, Moore, Lavallée

Appel d’un jugement de la Cour du Québec ayant accueilli en partie une demande en irrecevabilité et en déclaration d’abus. Rejeté.

L’intimé est un humoriste qui, dans le cadre de représentations de l’un de ses spectacles, a tenu des propos sur le fils de l'appelante et a affirmé que cette dernière aurait utilisé l’argent de son fils pour s’acheter des biens de luxe. En 2012, l’appelante, son fils et le père de celui-ci ont déposé une plainte pour discrimination à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, laquelle a saisi le Tribunal des droits de la personne, qui a conclu que les propos de l’intimé étaient discriminatoires. Le 28 novembre 2019, la Cour d’appel du Québec, à la majorité, a rejeté l’appel de ce dernier quant au fils, mais l’a accueilli à l’égard de l’appelante. L’intimé a déposé une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada, laquelle a été accueillie. La Commission n’a pas déposé d’appel incident en faveur de l’appelante. Le 8 février 2021, un juge unique a accueilli la requête de celle-ci en prorogation du délai pour signifier et déposer son mémoire à titre d’intervenante. Le 29 octobre suivant, la Cour suprême a conclu que le fils de l'appelante n'avait pas subi de discrimination. Le 29 janvier 2022, l'appelante a intenté un recours en responsabilité civile pour diffamation contre l'intimé. La juge de première instance a retenu que l’action était prescrite, sans toutefois la déclarer abusive. L'appelante conteste les conclusions en irrecevabilité de ce jugement.

On ne peut retenir que l'ordonnance du 8 février 2021 a permis à l'appelante de remettre en question le dispositif de l’arrêt de la Cour d’appel à son endroit puisque cela aurait pour effet de transformer une ordonnance rendue sur une requête en prorogation de délai du dépôt d’un mémoire d’une intervenante en une autorisation d’intenter un appel incident, laquelle aurait dû être soumise à une formation de 3 juges de la Cour suprême. En ajoutant des questions visant à corriger le dispositif de l’arrêt à son égard qui ne faisait pas l’objet de «cet appel», l'appelante outrepassait donc le rôle d’une intervenante et ne pouvait espérer voir son statut modifié. Or, cette dernière n’était pas une appelante devant la Cour suprême – ni par la voie de la Commission ni personnellement – et l’arrêt de la Cour d’appel a mis fin au litige à son égard et est devenu final à l’expiration du délai d’appel, le 27 janvier 2020. L’interruption de la prescription a pris fin à cette date et, par l’effet de l’article 2894 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.), elle a été rétroactivement annulée. Le recours de l’appelante était donc prescrit lorsqu’elle l’a intenté.

Quant à l’article 2895 C.C.Q., il vise à tempérer la règle énoncée à l’article 2894 C.C.Q. Les 2 premières conditions d'application de l'article 2895 C.C.Q. sont l’existence d’une demande antérieure et le rejet de cette demande sans une décision sur le fond. Vu la fonction remédiatrice de la mesure, cette disposition doit être interprétée de manière libérale et généreuse. Selon l’arrêt Gagnon c. Grandchamp Chapiteaux inc. (C.A., 2020-11-18), 2020 QCCA 1544, SOQUIJ AZ-51724176, 2020EXP-2821, 2020EXPT-1938, elle ne peut avoir pour effet de pallier une erreur quant à la nature du recours intenté. Or, en l’espèce, l’appelante a exercé le mauvais recours. Celle-ci aurait pu intenter une action en diffamation dès le début et la suspendre en attendant le sort de celle en discrimination. L’article 2895 C.C.Q. ne peut donc lui être d’aucun secours.

Législation interprétée: article 2895 C.C.Q.

 

Texte intégral de la décision : Gabriel c. Ward

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