Cour d'appel du Québec

G.A. c. N.B.

Mainville, Cotnam, Kalichman

Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie une demande en réclamation de dommages-intérêts, de dommages moraux et de dommages punitifs. Rejetés.

L’intimée a poursuivi son oncle, alléguant que ce dernier l’avait agressée sexuellement à plusieurs reprises lorsqu'elle était âgée de 9 à 16 ans, ainsi que ses parents, leur reprochant de n’avoir rien fait pour la protéger. Le juge de première instance a retenu la responsabilité solidaire des appelants. Il a estimé que l'intimée avait droit à 388 309 $ pour sa perte de gains passés, à 261 397 $ pour sa perte de gains futurs, à 100 000 $ à titre de dommages non pécuniaires et à 55 000 $ en dommages punitifs. Pour valoir entre eux, il a attribué 60 % de la responsabilité à l’oncle et 40 % aux parents.

Le lien de causalité entre les gestes reprochés et le préjudice subi a été établi. L’expert commun a conclu à une compatibilité des symptômes décrits avec un vécu d’abus sexuels. Par ailleurs, le fait de craindre et de subir des agressions sexuelles, dans un contexte où la victime perçoit que ses parents ne lui laissent d’autre choix que de dormir dans le lit de son agresseur, est de nature à causer un préjudice certain. De plus, il est indéniable que l’appelante en veut à ses parents de n’avoir rien fait pour la protéger et que ce ressentiment nourrit son anxiété et son insécurité.

En ce qui a trait à la perte de gains passés, le juge pouvait conclure à une réduction de moitié de la capacité de gains de l’intimée au motif que les agressions sexuelles l’avaient privée de sa capacité d’occuper un emploi à temps plein. Quant au préjudice futur, l’article 1611 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.) pose le principe voulant que tout dommage doive être indemnisé, du moment qu’il est certain et susceptible d’être évalué. Alors que le mot «certain» pourrait suggérer que le préjudice doit être prouvé d’une manière qui ne laisse place à aucun doute, le fardeau de la preuve demeure celui de la prépondérance des probabilités que codifie l’article 2804 C.C.Q. Dans le présent cas, la preuve révèle que l’intimée conserve des séquelles qui l’obligent à composer avec des limitations importantes sur le plan professionnel. Quoiqu’il soit possible que sa condition psychologique s’améliore au cours des prochaines années, elle demeure aux prises avec d’importantes difficultés en ce qui concerne les interactions sociales.

Sur la question du partage de la responsabilité, le juge n’a pas minimisé la responsabilité de l’oncle. Sa décision reflète plutôt le caractère répréhensible de l’inaction, voire du désengagement, des parents. Leur insensibilité à l'égard des besoins de sécurité et de protection de leur fille, leur indifférence à la suite d’une tentative de suicide et du dévoilement des agressions ainsi que leur silence lorsqu’elle a demandé leur aide sont des éléments qui ont contribué fortement aux séquelles pour lesquelles elle réclame compensation.

Quant aux dommages punitifs, si l’insouciance ou la négligence grossière sont insuffisantes pour y faire droit, le juge a retenu que les parents avaient agi en toute connaissance des conséquences immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables, de leur conduite.

 

Législation interprétée : article 1611 du Code civil du Québec

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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