Cour d'appel du Québec

First Québec Holdings inc. c. Développements Grand Ouest inc.

Marcotte, Rancourt, Cournoyer

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en remboursement d’un prêt d’argent et ayant ordonné la restitution de prestations. Accueilli en partie.

En juillet 2017, l’appelante a consenti aux intimés un prêt de 2 750 000 $ assorti d’un taux d’intérêt annuel de 15 %. Au mois de novembre suivant, les parties ont conclu un acte de modification de la convention de prêt haussant le taux d’intérêt à 58,64 %, et ce, jusqu’au parfait paiement de l’intégralité du prêt. En février 2018, les intimés ont signé une note promissoire prévoyant le paiement d’une somme additionnelle de 5 000 $ par jour jusqu’à ce que le prêt soit entièrement remboursé.

En août 2018, l'appelante a déposé une demande introductive d'instance afin d'exercer ses droits hypothécaires. Elle n'a jamais évoqué la note promissoire dans ses procédures. Par ailleurs, en réaction à des allégations de prêt usuraire formulées par les intimées, l'appelante a renoncé au taux d’intérêt de 58,64 % prévu dans l’acte de modification pour ne réclamer que l’application du taux d’intérêt annuel de 15 % stipulé dans la convention de prêt. Le juge de première instance a conclu que la convention de prêt, l’acte de modification et la note promissoire formaient un tout au sens de l’article 1438 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.c.Q.) et qu’ils devaient être annulés, alors que le taux d’intérêt annuel généré était de 125 % et qu’il violait l’article 347 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.cr.).

Même en acceptant de la prendre en considération de façon distincte de la convention de prêt comme le propose l’appelante, la note promissoire comporte néanmoins un taux d’intérêt criminel qui viole l’article 347 C.cr. L'infraction prévue à cette disposition consiste à «conclu[re] une convention ou une entente pour percevoir des intérêts à un taux criminel ou [à percevoir], même partiellement, des intérêts à un taux criminel». Par ailleurs, le fait pour l’appelante de ne pas avoir exigé le versement des sommes prévues à la note promissoire importe peu dans la détermination de la légalité du taux d’intérêt, car la question de savoir si une convention ou une entente correspond à l’infraction de «conclusion» prévue à l'article 347 C.cr. s’évalue à la date à laquelle l’opération est effectuée, soit au moment de la conclusion de la note promissoire, en février 2018.

Cependant, il n’y a pas matière à prononcer l’annulation de la convention de prêt, laquelle a été conclue à l’origine de bonne foi, sans intention malveillante et de manière parfaitement licite par les parties, d’autant moins que l’article 1438 C.c.Q. commandait en l’espèce un véritable examen du caractère indissociable des actes, tant sur le plan objectif que subjectif, auquel le juge n’a pas procédé. Cet exercice l’aurait amené à constater que l’objet de la note promissoire différait de celui de la convention de prêt et que cela l’empêchait de conclure à leur caractère indissociable. Ainsi, le juge ne pouvait retenir que la note promissoire formait un tout indivisible avec la convention de prêt et prononcer la nullité ab initio de celle-ci. Sa conclusion s’éloigne aussi de la recherche de la solution appropriée au regard des circonstances de l’affaire préconisée dans Transport North American Express Inc. c. New Solutions Financial Corp. (C.S. Can., 2004-02-12), 2004 CSC 7, SOQUIJ AZ-50219754, J.E. 2004-446, [2004] 1 R.C.S. 249. La convention de prêt doit donc être rétablie de manière à reconnaître à l’appelante son droit au remboursement du capital prêté, avec les intérêts calculés au taux annuel de 15 %.

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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