Cour d'appel du Québec

Faivre c. R.

Schrager, Hogue, Rancourt

Appel de déclarations de culpabilité. Appel d’une déclaration de délinquant à contrôler. Rejetés. Requête pour permission d’appeler de la peine. Accueillie. Appel de la peine. Accueilli en partie.

L’appelant a été déclaré coupable sous plusieurs chefs d’accusation, notamment de pornographie juvénile, d’incitation à des contacts sexuels et de contacts sexuels. Plusieurs éléments de la preuve provenaient de fichiers qui ont été extraits de son ordinateur lors de perquisitions effectuées à son domicile. Un enquêteur, membre de la division technologique de la Sûreté du Québec, a témoigné sur les méthodes utilisées pour extraire les fichiers, leur emplacement et leur accessibilité ainsi que sur les analyses effectuées et leurs résultats. L’appelant a été condamné à une peine de 12 ans d’emprisonnement. Le juge de première instance a également prononcé une déclaration de délinquant à contrôler pour une durée de 10 ans et a rendu une ordonnance d’interdiction d’utiliser Internet pour une période de 15 ans.

Dans le contexte d'un voir-dire, le juge n’a pas erré en déterminant qu’il n’était pas nécessaire que l’enquêteur soit qualifié d’expert pour qu’il puisse témoigner. Il est important de distinguer, comme l’a fait le juge, le témoignage d’opinion, qui doit être rendu par un expert, d'un témoignage technique, mais factuel, qui peut être rendu par un témoin ordinaire. Le premier nécessite l’expression d’une opinion, alors que le second ne fait que rapporter des faits relevant de connaissances spécialisées, scientifiques ou techniques. En l'espèce, l’enquêteur a expliqué les étapes qui ont été suivies pour copier le contenu des appareils informatiques perquisitionnés, le classer et l’analyser. Il a précisé les logiciels qui ont été utilisés et a expliqué la fonction de chacun, alors que rien au dossier ne permet de croire que la fiabilité de ces logiciels soit mise en doute.

Par ailleurs, quoique l’appelant ait raison de reprocher au juge d’avoir écrit que le cadre d’analyse prescrit par R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742, ne s’appliquait qu’aux chefs à l’égard desquels il avait témoigné, ce moyen n’est pas fondé. En effet, le juge a analysé l’ensemble de la preuve, y compris la déclaration extrajudiciaire de l'appelant, et a déterminé que la poursuite s’était déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de ce dernier.

Quant à la déclaration de délinquant à contrôler, le juge a conclu que la conduite antérieure de l’appelant dans le domaine sexuel laissait prévoir le risque qu’il cause, à l’avenir, des sévices ou autres maux à d’autres personnes, ce qui répond à l’exigence édictée au sous-alinéa 753.1 (2) b) (ii) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46). Dans la mesure où l’appelant ne démontre pas que cette déclaration de délinquant à contrôler ou sa durée soit déraisonnable, la Cour n’a pas à intervenir.

Enfin, pour ce qui est de l’interdiction d’utiliser Internet pour une période de 15 ans, il faut tenir compte du principe selon lequel l’ordonnance doit être soigneusement adaptée à la situation particulière du contrevenant et être assortie de conditions permettant raisonnablement de réduire le risque qu’il représente pour la société en général, et les enfants en particulier. Tout comme celles accompagnant une ordonnance de probation, ces conditions ne doivent être ni trop vagues ni si difficiles à suivre qu’elles entraîneront un manquement presque certain.

Étant donné les circonstances particulières de la présente affaire, interdire l’usage d’Internet pour une aussi longue période est raisonnable. Cependant, l’interdiction ne prévoit aucune exception, alors que l’accès à Internet est devenu essentiel à plusieurs fins légitimes. L’ordonnance s’écarte donc de l’approche modulée préconisée par la jurisprudence récente. Ainsi, il est nécessaire de moduler l’ordonnance pour permettre à l’appelant d’utiliser Internet dans certaines circonstances, mais en encadrant cet usage de conditions strictes.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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