Cour d'appel du Québec

Entreprises LT ltée c. Gestion Michel Lagacé inc.

Levesque, Ruel, Bachand

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une action pour redressement d’abus et d’iniquité ainsi qu'un recours pour congédiement injustifié. Accueilli en partie.

L’appelante est une société qui a été fondée par les parents des appelants et de l'intimé, Michel. La juge de première instance a notamment ordonné le rachat des actions des intimés à leurs juste valeur marchande, qu’elle a fixée à 27 633 333 $. Elle a également ordonné aux appelants de payer, en sus de cette somme, des intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.), et ce, à compter de la date de l’assignation. Les appelants soutiennent que la juge a commis une erreur révisable en fixant la valeur marchande des actions des intimés. Ils estiment aussi qu'elle a erré en concluant que toute condamnation les visant devait porter intérêt au taux prévu dans la convention entre actionnaires. Enfin, ils affirment que la juge ne pouvait les condamner à payer aux intimés une indemnité additionnelle appliquée sur le prix de rachat des actions.

La juge a commis une erreur révisable en fixant la valeur marchande des actions des intimés et il y a lieu de recalculer cette valeur après avoir déterminé, de manière forcément approximative, la quantité de matières premières exploitables se trouvant actuellement dans les sablières et carrières de l’appelante. La juge n’a toutefois pas commis une erreur révisable en refusant d’effectuer une déduction afin de tenir compte des dividendes reçus par l’un des intimés après le 31 mars 2018, soit la date convenue par les parties comme étant celle à laquelle les actions de l’appelante devaient être évaluées.

D'autre part, les mécanismes de rachat d’actions prévus dans la convention entre actionnaires ne s’appliquent pas dans un contexte de comportement abusif et inéquitable au sens des articles 450 et ss. de la Loi sur les sociétés par actions (RLRQ, c. S-31.1). Elles n’ont donc pu créer des attentes raisonnables que la juge aurait été tenue de prendre en considération en fixant les modalités de paiement du prix de rachat des actions des intimés.

Par ailleurs, la juge n’a commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a ordonné aux appelants de payer des intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.C.Q. La question de savoir si l’indemnité additionnelle prévue à cet article est applicable dans le cadre d’une condamnation dont l’objet ne constitue pas des dommages-intérêts stricto sensu a été tranchée dans 9080-0939 Québec inc. c. 2861-7918 Québec inc. (Construction Serge Gagnon), (C.A., 2008-04-24), 2008 QCCA 802, SOQUIJ AZ-50488175, J.E. 2008-1089.

De plus, la thèse des appelants est inconciliable avec l’objet de l’article 1619 C.C.Q. ainsi qu’avec l’interprétation qui en est faite dans Québec, Ministère de la Justice Commentaires du ministre de la Justice: le Code civil du Québec tome 1, Québec, Publications du Québec, 1993. Sous le Code civil du Bas Canada (S.C. 1865, c. 41) (C.C.), l’ajout de l’indemnité additionnel n’était pas limité aux ordonnances ayant pour objet des dommages-intérêts. Les tribunaux pouvaient en ordonner le paiement à l’égard de toute condamnation de nature pécuniaire. Or, lors de l’adoption du Code civil du Québec, le ministre de la Justice a indiqué dans ses commentaires officiels que l’article 1619 C.C.Q. reprenait les articles 1056c et 1078.1 C.C., sans jamais préciser que la nouvelle disposition modifiait de quelque manière que ce soit le cadre juridique applicable à l’indemnité additionnelle. Enfin, les intimés ont raison d’affirmer que, dans d’autres affaires de rachat d’actions dans un contexte de comportement abusif et inéquitable, la Cour n’a pas hésité à appliquer l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.C.Q. au prix de rachat fixé.

Législation interprétée: article 1619 C.C.Q.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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