Cour d'appel du Québec

Droit de la famille — 24378

Savard, Marcotte, Moore

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une exception déclinatoire, ayant déclaré irrecevable une demande de garde d’enfant et ayant ordonné le retour immédiat de celui-ci en Turquie. Accueilli.

Les parties ont vécu en union de fait et elles ont une fille, qui est née en 2017. En 2023, alors qu’elle séjournait au Québec avec l’enfant, la mère a informé le père de son intention ne pas retourner en Turquie avec leur fille.

La juge de première instance a conclu que le maintien de l’enfant au Québec par la mère constituait un non-retour illicite aux termes de la Loi sur les aspects civils de l'enlèvement international et interprovincial d'enfant (RLRQ, c. A-23.01). Par ailleurs, comme la résidence de la mère se situait au Québec lors du dépôt de sa demande en fixation du temps parental -- et même lors du non-retour de l’enfant --, la juge a estimé que le droit québécois était applicable à la détermination de la garde selon le droit international privé turc. Le père avait donc un droit de garde du seul fait de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

Le moment où doit se faire la détermination de la résidence de la mère est prévu à l’article 3 de la loi et il découle de l’objectif de celle-ci de préserver le statu quo, c'est-à-dire le droit de garde effectivement exercé au moment du déplacement ou du non-retour illicite. Cet objectif implique que tout facteur de rattachement doit être nécessairement déterminé au moment du déplacement ou du non-retour, à l’exclusion de tout événement postérieur qui pourrait venir perturber ce statu quo. La juge a donc erré en droit lorsqu’elle a conclu que la résidence de la mère, aux fins de l’application de la loi turque, devait être fixée à la date où cette dernière avait déposé sa demande en fixation du temps parental et non à celle du non-retour de l’enfant.

La juge a aussi commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que la mère avait modifié sa résidence habituelle en date du non-retour. À ce moment, la mère n’avait pas encore signé de bail, elle n’avait pas inscrit l’enfant à l’école et n’avait pas signé de contrat de travail. Elle était en voyage temporaire au Québec et aucune trace de «continuité» de résidence au Québec n’était présente. On ne saurait considérer que le simple fait d'entreprendre des recherches en vue d’un nouveau lieu de résidence entraîne un changement de résidence habituelle. Même si, avant le non-retour de l’enfant, l’appelante avait envisagé de s’installer au Québec, il est impossible de conclure qu’elle y avait déjà établi sa résidence habituelle. Ainsi, avant le non-retour, les partes avaient comme résidence commune la Turquie, de sorte que le droit turc gouvernait la détermination de la garde. Dès lors, l’intimé ne détenait pas de droit de garde en vertu du droit turc et la mère pouvait décider du lieu de résidence de l’enfant sans son consentement. Le non-retour n’était donc pas illicite et le débat sur la garde doit ainsi se faire devant les tribunaux québécois aux termes du droit québécois.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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