Cour d'appel du Québec

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Vincent

Savard, Cotnam, Moore

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté l’appel d’un jugement de la Cour du Québec ayant ordonné l’arrêt des procédures. Rejeté.

En application de la règle interdisant les condamnations multiples, la Cour du Québec a ordonné l’arrêt des procédures intentées contre l’intimée pour une infraction de conduite avec la présence d’alcool dans son organisme (art. 202.2 du Code de la sécurité routière (RLRQ, c. C-24.2)). La Cour supérieure a confirmé la décision de la juge de paix magistrat.

Cette dernière a correctement conclu que la condamnation antérieure de l’intimée, pour le même événement, à une infraction de conduite avec les capacités affaiblies par l’alcool (art. 320.14 (1) a) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.)), entraînait l’application de la règle interdisant les condamnations multiples et justifiait l’arrêt des procédures pour l’infraction prévue à l’article 202.2 du Code de la sécurité routière.

Il est vrai que ces 2 infractions ne sont pas identiques. Ainsi, la juge ne pouvait affirmer, sans autres nuances, qu’il est impossible pour une personne de contrevenir à l’article 320.14 (1) a) C.Cr. sans commettre nécessairement l’infraction prévue à l’article 202.2 du Code de la sécurité routière. Toutefois, cette erreur n’est pas déterminante.

La juge a correctement conclu à l’existence d'un lien juridique suffisant entre les infractions en litige. L’intimée a plaidé coupable à l’infraction la plus grave, soit l’infraction criminelle, laquelle comporte un élément supplémentaire distinct, à savoir l’exigence des capacités affaiblies. En revanche, l’infraction moindre (art. 202.2 du Code de la sécurité routière) ne comporte pas d’éléments supplémentaires distincts. L’appartenance à l’une ou l’autre des catégories de conducteurs visées par cet article ne constitue qu’une particularisation de cette infraction en ce qui concerne les personnes visées, l’infraction criminelle englobant quant à elle tous les conducteurs.

De plus, il y a lieu d’écarter l’argument de la poursuite voulant que les articles 320.14 (1) a) C.Cr. et 202.2 du Code de la sécurité routière, édictés respectivement par le législateur fédéral et par le législateur provincial, poursuivent des objectifs différents en ce qu’ils s’inscrivent à l’intérieur des champs de compétence exclusive de chaque ordre de gouvernement. Bien que l’article 202.2 du Code de la sécurité routière puisse viser à sensibiliser plus particulièrement les nouveaux conducteurs, les 2 infractions partagent le même objectif d’assurer la sécurité du titulaire du permis et celle du public en contrôlant l’alcool au volant. L’article 320.14 (1) a) C.Cr. crée une infraction criminelle visant à punir le contrevenant, lequel est même passible d’emprisonnement. Toutefois, dans une moindre mesure, l’infraction pénale (art. 202.2 du Code de la sécurité routière) comporte également une dimension punitive. Devant un tel recoupement, le fait que le Parlement canadien et la législature provinciale poursuivent des objectifs qui leur sont propres dans le respect de leurs compétences respectives n’est pas déterminant en soi pour écarter la règle interdisant les condamnations multiples.

L’examen doit d’abord et avant tout être centré sur les éléments des infractions pour voir si elles comportent des éléments supplémentaires et distinctifs sur la culpabilité et sur les effets concrets du cumul des poursuites. Or, en l’espèce, en plaidant coupable à l’infraction criminelle, l’intimée a été condamnée à une amende ainsi qu'à une interdiction de conduire d’une durée de 1 an et s’est vu imposer la révocation de son permis. L’objectif d’assurer la sécurité routière et de sensibiliser l’intimée à l’importance d’adopter de bonnes habitudes de conduite est déjà atteint sans qu’il soit nécessaire de la condamner en plus pour l’infraction commise en vertu de l’article 202.2 du Code de la sécurité routière. Il faut d’ailleurs noter que la situation en l’espèce est à l’opposé de celle dans R. c. Pronovost (C.S., 2017-09-18), 2017 QCCS 4162, SOQUIJ AZ-51425996, 2017EXP-2980.

Une application souple de la règle interdisant les condamnations multiples doit prévaloir dans le présent dossier.

 

Législation interprétée:  art. 320.14 (1) a) C.Cr. et 202.2 du Code de la sécurité routière

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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