Cour d'appel du Québec

Diamond Provencher c. Adam

Cotnam, Lavallée, Bachand

 

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en vérification d’un testament devant témoins. Rejeté.

 

Le 4 mars 2021, Adam a préparé un document, avec l’aide de sa conjointe, Diamond, indiquant qu’il entendait lui léguer des biens ainsi qu’à certaines autres personnes. Ce document a été rédigé par Diamond et porte la signature d’Adam ainsi que de 2 témoins. Adam est décédé le 9 mars suivant. En mai 2021, Diamond a déposé une demande en vérification de testament. À la suite du décès de celle-ci, survenu en juillet 2022, l’instance été reprise par les appelants. Les intimées ont abandonné leur contestation en cours d’instance.

La juge de première instance a rejeté la demande de vérification au motif que le document ne respecte pas toutes les formalités du testament devant témoins: 1) parce qu’il a été rédigé par une tierce personne qui n’était pas désintéressée et 2) parce que la preuve ne permettait pas de constater qu’Adam avait déclaré que le document constituait son testament, contrairement à ce qu’exige l’article 727 alinéa 2 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64) (C.C.Q.). La juge a aussi retenu que le testament ne satisfaisait pas non plus aux conditions de l’article 714 C.C.Q., l’exigence de désintéressement de la tierce personne ayant rédigé le testament constituant selon elle une condition essentielle de sa validité.

Les appelants insistent sur le fait qu’aucune disposition du Code civil du Québec n’exige que la tierce personne agissant à titre de rédactrice soit désintéressée. Ils ajoutent que les jugements de la Cour supérieure à l’effet contraire font fausse route, car ils s’appuient sur une lecture erronée de l’arrêt Lemaine (Succession de), (C.A., 2012-07-31), 2012 QCCA 1371, SOQUIJ AZ-50880422, 2012EXP-2934, J.E. 2012-1569. Selon eux, invalider tout testament rédigé par une tierce personne constitue un moyen disproportionné de s’attaquer au risque de fraude ou d’influence indue auquel le testateur est exposé.

La juge de première instance n’a pas commis d’erreur en vérifiant la conformité du document aux exigences formelles applicables malgré l’absence de toute contestation. C’est aussi à bon droit qu’elle a conclu que le testament rédigé ou signé par une tierce personne y étant désignée comme légataire ne satisfait pas aux formalités applicables aux testaments devant témoins. Dans Lemaine (Succession de), la Cour a jugé que la tierce personne susceptible de signer un testament devant témoins pour le compte du testateur ne saurait inclure le légataire, et ce, en raison de l’avantage que ce dernier est susceptible de tirer du testament et de la nécessité de mettre le testateur de tout risque de fraude ou d’influence indue. Depuis, la jurisprudence de la Cour supérieure est unanime: un testament devant témoins ou un codicille rédigé par un légataire ne respecte pas les exigences énoncées à l’article 727 C.C.Q. Ce courant jurisprudentiel n’est pas remis en question par la doctrine.

La notion de «tierce personne» doit être interprétée de manière uniforme pour l’ensemble de l’article 727 C.C.Q. Rien ne justifie d’écarter la présomption d’uniformité de l’expression. Le principe de protection du testateur qui sous-tend le raisonnement adopté dans Lemaine (Succession de) est tout aussi pertinent. Lorsqu’un testament a été rédigé par une tierce partie y étant identifiée comme légataire, on diminue assurément le risque de fraude ou d’influence indue en exigeant que le testament soit rédigé par le testateur ou par une tierce personne désintéressée. C’est justement pour cette raison que l’article 759 C.C.Q. prive de tout effet le legs fait au notaire qui reçoit le testament.

La juge a cependant eu tort d’affirmer que l’exigence de désintéressement du tiers rédacteur constitue une condition essentielle de sa validité, laissant entendre qu’un testament y contrevenant ne pourrait jamais été validé aux termes de l’article 714 C.C.Q. Il est tout à fait possible qu’un tel testament satisfasse à la première exigence de l’article 714 C.C.Q. Il faut alors se demander si, à la lumière des circonstances, le désintéressement de la tierce personne s’avère essentiel afin d’assurer l’atteinte de l’objectif poursuivi, soit de mettre le testateur à l’abri de tout risque de fraude ou d’influence indue.

Enfin, compte tenu des circonstances de la préparation et de la signature du document, c’est à bon droit que la juge a conclu qu’on ne pouvait affirmer de façon certaine et non équivoque que celui-ci contenait les dernières volontés du défunt.

 

Législation interprétée: article 727 C.C.Q.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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