Cour d'appel du Québec

Desjardins Sécurité financière c. Hébert

Bich, Bachand, Kalichman

Appel d'un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande en réclamation d'une indemnité d'assurance-invalidité et en dommages moraux. Accueilli en partie.

L'assuré intimé a subi un infarctus du myocarde grave en novembre 2014 l'ayant rendu inapte au travail. L'assureur a reconnu l'invalidité totale de l'assuré et lui a versé les prestations prévues par la police d'assurance jusqu'au 31 mars 2015, estimant que les renseignements médicaux fournis par ce dernier ne permettaient pas d'établir l'invalidité permanente après cette date. La situation de l'assuré est particulière puisque l'infarctus dont il a été victime a engendré des symptômes réels et invalidants dont la véritable cause, une condition de nature psychiatrique directement rattachée à la survenance de cet infarctus, a été découverte en cours d’instance à la suite d'une expertise. L'assuré n'a entrepris aucune démarche thérapeutique à cet égard. Il est demeuré sous les soins de ses médecins traitants, sans toutefois les prévenir de la condition psychologique diagnostiquée par le médecin expert.

L'assureur se pourvoit à l'encontre du jugement l'ayant condamné à verser à son assuré des prestations d'invalidité à compter du 1er avril 2015, avec pleine exonération de primes, ainsi qu’à payer des dommages moraux destinés à réparer le préjudice causé à celui-ci par l’inexécution de ses obligations.

Prestations d'invalidité

Aux termes de la police d'assurance, l’assuré invalide par suite d’une maladie ou d’un accident obtient et conserve les prestations si sa condition est incapacitante, laquelle peut être physique ou mentale, et s'il demeure sous traitement médical et sous les soins réguliers d’un médecin, à moins toutefois que son état ne soit devenu stationnaire, c’est-à-dire qu’il n'est pas susceptible de s’améliorer ou de progresser par l’effet d’un traitement.

L'assureur ne s'est pas acquitté de son fardeau de démontrer que l'assuré ne remplissait plus les conditions d’attribution et de maintien de la prestation d'invalidité totale entre le 1er avril 2015 et le 24 juillet 2018, date du rapport d'expert. En effet, au cours de cette période, la source véritable des symptômes incapacitants de l’assuré était inconnue et celui-ci, même s'il était sous les soins de médecins dont il suivait les recommandations, ne recevait donc pas le traitement qui aurait été approprié à sa condition.

Toutefois, en ce qui concerne la période subséquente, la juge de première instance a commis une erreur révisable en concluant que l'assuré remplissait toujours les conditions pour le maintien de la prestation d'invalidité puisqu'il faisait l’objet d’un suivi médical constant depuis son infarctus et que son état était effectivement stationnaire. En effet, cela est insuffisant aux termes de la police d'assurance, laquelle exige le suivi et le traitement de la condition médicale invalidante et subordonne le versement des prestations au maintien de ces mesures. Or, l'assuré a refusé de se soumettre à un suivi ou à un traitement de nature psychologique ou psychiatrique. De plus, la preuve au dossier ne permet pas d'établir l'état stationnaire de la condition de l'assuré à partir de 2018 ni de conclure que, à cette date, un traitement aurait été inutile. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, il est raisonnable et équitable de déclarer que c'est à compter de mai 2019, soit après que l'assureur eut soulevé cette question dans l'exposé de ses moyens de défense, que l'assuré a perdu le droit aux prestations d'invalidité, faute de se conformer à son obligation contractuelle.

Dommages moraux

La juge n'a pas commis d'erreur en condamnant l'assureur à verser 20 000 $ à l'assuré à titre de dommages moraux en réparation du préjudice issu du traitement fautif de sa réclamation d’assurance. La présente affaire ne se prête pas à l'étude de la question de la transposition de Fidler c. Sun Life du Canada, compagnie d'assurance-vie (C.S. Can., 2006-06-29), 2006 CSC 30, SOQUIJ AZ-50380234, J.E. 2006-1316, [2006] 2 R.C.S. 3, [2006] R.R.A. 525 (rés.), en droit québécois. Cependant, l'article 1617 du Code civil du Québec (L.Q. 1991, c. 64), que l’on pourrait voir comme une exception à l’article 1613, semble a priori militer contre une telle transposition.

 

Texte intégral de l’arrêt : http://citoyens.soquij.qc.ca

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