Cour d'appel du Québec

Denis c. R.

Doyon, Baudouin, Kalichman

 

Requêtes pour permission d’interjeter appel d’une déclaration de culpabilité et de la peine. Accueillies. Appels d’une déclaration de culpabilité et d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en arrêt des procédures. Rejetés. Appel de la peine. Accueilli en partie.

Dans le cadre d’une opération policière, la police a publié des annonces fictives sur des sites Internet offrant des services d’«escortes». L’appelant a répondu à l'une des annonces et a appris de la personne-ressource (une agente d’infiltration) que les services concernaient une fille de 16 ans. Lors du rendez-vous planifié, il a été arrêté. Il se pourvoit à l'encontre de sa déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction prévue à l’article 286.1 (2) du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) (C.Cr.), le jugement ayant rejeté sa demande d’arrêt des procédures pour cause de provocation policière, et la peine minimale de 6 mois d’emprisonnement qui lui a été imposée. Il demande aussi de déclarer inconstitutionnelle la peine minimale obligatoire prévue à l’article 286.1 (2) a) C.Cr.

Quant à la déclaration de culpabilité, il est manifeste que la juge de première instance a rejeté totalement la version invraisemblable de l’appelant selon laquelle il n’était pas au courant de l’âge de la jeune fille. En ce qui concerne l’arrêt des procédures, le lien entre l’infraction pour laquelle il existait des soupçons raisonnables (art. 286.1 (1) C.Cr.) et celle pour laquelle l'appelant a été arrêté (art. 286.1 (2) C.Cr.) est suffisamment rationnel et proportionnel. Par ailleurs, les annonces constituaient des lieux suffisamment précis. Il n’existe pas d’autres techniques d’enquête efficaces pour de telles infractions ou il en existe peu.

Quant à la peine imposée, il est vrai que le jugement est approximatif, mais l’appelant ne démontre pas que la peine doit être réformée. Des peines sévères sont nécessaires pour lutter contre le commerce de la sexualité juvénile. De plus, l’accusé, âgé de 60 ans, ne peut plaider l’erreur de jeunesse. Il ne s’agit pas en l'espèce d’un geste impulsif. Il aurait facilement pu renoncer à son projet, mais il a décidé de persévérer. Le fait qu’il n’y a pas de victimes véritables ne change pas sa culpabilité morale. De plus, en traitant avec une proxénète (même s’il s’agissait d’une agente d’infiltration), il savait nécessairement que la jeune fille était sous l’emprise d’adultes exerçant un contrôle sur ses activités, ce qui représente une circonstance aggravante. Même si la juge n’a pas clairement fait abstraction de la peine minimale dans son analyse de la peine juste, ce qu’elle devait faire à cette étape, l’appelant ne convainc pas que la peine d’emprisonnement de 6 mois est manifestement non indiquée.

D'autre part, la juge n’avait pas la compétence pour déclarer la peine minimale inconstitutionnelle selon l’article 52 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 (L.R.C. 1985, app. II, no 44, annexe B), de sorte que l’on ne peut lui reprocher de ne pas avoir examiné les situations hypothétiques invoquées par l’appelant puisque cela n’aurait rien pu changer au résultat. La situation est différente en appel. Ce dernier a suffisamment fait valoir cette question devant la Cour pour que celle-ci s’y penche.

Or, l'un des scénarios invoqués par l'appelant, qui met en cause un accusé âgé de 18 ans, fait état d’une situation se situant au bas de l’échelle des conduites visées par l'article 286.1 (2) a) C.Cr. et ne peut être qualifié d’invraisemblable ou de trop éloigné de la réalité. La Cour estime que ce scénario – qui mènerait vraisemblablement à une peine moins lourde qu’un emprisonnement de 6 mois – et la jurisprudence permettent de conclure que la peine minimale, dans la présente affaire, sera exagérément disproportionnée dans des cas raisonnablement prévisibles. Cette peine minimale est donc déclarée inconstitutionnelle et inopérante.

 

Texte intégral de la décision : http://citoyens.soquij.qc.ca

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